Tomber malade à l’hôpital, c’est un comble. Pourtant, c’est fréquent. Pour lutter contre les infections dites nosocomiales qui, avec leurs 4000 victimes par an en France, tuent plus que les accidents de la route, des établissements de soin testent une solution toute simple, et qui vient de prouver son efficacité : le cuivre et ses alliages.
Dans les pays à hauts revenus, 7% des patients contractent lors de leur hospitalisation une maladie dont ils n’étaient pas porteurs le jour de leur admission, et jusqu’à 30% dans les unités de soins intensifs, selon l’Organisation mondiale de la santé. En France, le taux est de 5%, soit 750 000 personnes par an.
Les campagnes sur l’hygiène des mains ne suffisent pas
Pour combattre ces maladies qui vont de l’infection urinaire à la pneumopathie, en passant par la gastro-entérite, des campagnes de sensibilisation à l’hygiène des mains et des bidons de solutions hydro-alcooliques ont été déployés dans les hôpitaux. « Cela ne suffit pas, les chiffres des infections peinent à baisser notamment en raison de bactéries de plus en plus résistantes aux médicaments », explique Claudine Richon du Lien, association d’information et d’aide aux victimes d’infections nosocomiales.
Si on a le réflexe de se laver les mains avant de toucher le malade, on ne pense pas toujours à faire de même quand il s’agit de toucher les barreaux du lit, la tablette ou l’interrupteur de la chambre, vrais nids à germes. D’où l’idée de remplacer ces petits éléments en PVC ou inox par du cuivre ou un de ses alliages.
Le cuivre, une arme à l’efficacité désormais prouvée
Le métal rouge-orangé est connu depuis des millénaires pour ses propriétés antibactériennes. Des études menées dans près d’une dizaine de pays ont montré qu’il tue, en moins de deux heures, de 90% à 100 % des bactéries, virus ou champignons qui se déposent à sa surface. Un temps trop court pour que les micro-organismes aient le temps de se reproduire ou de muter, ce qui limite le développement de résistances. Depuis trente ans, le Centre d’information du cuivre, laitons et alliages (Cicla) qui rassemble les professionnels de cuivre, mène des études pour comprendre le mécanisme à l’œuvre. Le mystère n’est pas encore levé, mais la preuve est désormais faite, en France, que le cuivre à l’hôpital est efficace contre les infections nosocomiales.
Deux expériences dont les résultats viennent d’être communiqués ont été menées au CHU de Rambouillet (Yvelines) et à l’hôpital d’Amiens (Somme). Dans le premier établissement, 8 chambres en réanimation et 17 en pédiatrie ont été équipées d’éléments en cuivre (poignées de tiroirs, robinets, interrupteurs, etc.). Les couloirs de ces services ont été dotés de rampes et de portes battantes de ce même métal. Pendant les deux ans qu’a duré l’expérimentation (2011-2013), le taux d’acquisition d’infections nosocomiales a baissé par rapport à la période témoin de 2010. « Les résultats prometteurs plaident en faveur de l’utilisation du cuivre, associé aux mesures ayant déjà fait leurs preuves, telles que les solutions hydro-alcooliques. Nous tenons avec le cuivre une piste sérieuse de prévention de la diffusion des bactéries multi-résistantes », explique, dans un communiqué du Cicla, le docteur Patrick Pina, responsable du service d’hygiène de Rambouillet.
Une solution économique
Au CHU d’Amiens, en 2012, on a effectué des prélèvements fréquents de la surface de 14 poignées en laiton (et de 14 poignées témoins) installées pour étudier l’effet antimicrobien de cet alliage. Hafida Khorsi, chercheuse à l’université de Picardie Jules Verne qui a mené cette étude au sein du laboratoire « périnatalité et risques toxiques » de l’Ineris (Institut national de l’environnement industriel et des risques), explique que « le laiton minimise la charge bactérienne des poignées de manière très significative ». Concernant l’élimination des champignons, des indications plaident en faveur du laiton, mais les résultats ne sont pas statistiquement probants.
Leur emboîtant le pas, cinq établissements médico-sociaux de Champagne-Ardenne se lanceront dans l’expérience ces prochains mois, avec plus de 1000 poignées de porte et 1000 mètres de rampes en alliage de cuivre. D’autres établissements de santé (APHP, hôpitaux, cliniques privées) seraient intéressés.
Car malgré le coût – à Rambouillet, les 300 kg de cuivre utilisés ont coûté 1800 euros, et leur installation, 10 000 –, le retour sur investissement est garanti : un patient atteint d’une infection nosocomiale et qui est traité en réanimation coûte 5000 à 7000 euros par jour. Chaque année, les infections nosocomiales reviennent à 3 à 4 milliards d’euros à l’Assurance maladie. Equiper les établissements de santé de cuivre – tout en continuant à bien se laver les mains – permettrait de réaliser une économie de 960 millions à 2,4 milliards d’euros par an !
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