Chez les enfants, éternuer dans la purée est, paraît-il, un classique. Hum, peu ragoûtant... Mais bon, certains d’entre eux ont une excuse en béton : ils sont allergiques. Les allergies environnementales comme alimentaires sont en forte augmentation chez les petits.
D’après l’Académie européenne d’allergie et d’immunologie clinique (EAACI), près de 20% des écoliers sont, dans l’hémisphère Nord, atteints d’eczéma, qui est une maladie allergique au même titre que l’asthme, la rhinite, la conjonctivite. Dans 90% des cas, cette dermatite atopique se déclare avant l’âge de 5 ans. Et dans un cas sur cinq, elle serait provoquée par un aliment.
En tout, on estime que 8% des petits Français sont atteints d’allergie alimentaire, contre 3% des adultes environ. La banque de données du Cercle d’investigations cliniques et biologiques en allergologie alimentaire (CICBAA), association de chercheurs en allergologie alimentaire, fait état de 3,6 enfants allergiques pour 1 adulte. C’est bien plus qu’il y a 20 ans.
40% des Européens allergiques en 2040
Les allergies sont devenues en deux décennies la maladie chronique la plus fréquente en Europe. A l’échelle mondiale, c’est même la quatrième maladie après le cancer, les pathologies cardiovasculaires et le sida selon l’OMS. D’après les estimations de l’Académie européenne d’allergie, à l’horizon 2040, 40% des Européens présenteront des prédispositions à l’allergie, contre 25 à 30 % aujourd’hui !
Car la peau qui démange, les éternuements fréquents, le nez qui coule et les yeux qui piquent sont des désagréments qui se transmettent de génération en génération. « Un enfant dont les deux parents sont allergiques a entre 60% et 80% de risques de l’être. Une proportion qui tombe à 40% quand un seul des parents est allergique », explique Isabelle Mollé, allergologue à Nantes et Rezé (Loire-Atlantique).
On naît donc avec des prédispositions génétiques aux allergies. Mais on ne devient véritablement allergique que lorsque l’on déclare « une intolérance à un environnement naturel », précise le Dr Jacques Robert, auteur de « Vivre mieux avec les allergies de l’enfant » (éd. Odile Jacob) « Cette intolérance est d’ordre immunologique. C’est notre système de défense de l’organisme qui réagit. L’homme n’a pas changé depuis 30 ans, c’est son environnement qui a été bousculé. Et certains gènes de susceptibilité s’expriment alors », ajoute-t-il.
Un environnement propice au développement des allergies
Or, il semblerait que l’environnement des pays industrialisés soit particulièrement propice au déclenchement d’allergies. L’Inserm liste comme facteurs allergènes « l’augmentation des températures et de l’hygrométrie, surtout à l’intérieur des maisons (multiplication des acariens), la migration intérieure ou internationale (changement de milieu), les modifications du régime alimentaire (allergènes de la nourriture), le développement des médicaments (impliqués dans certaines allergies spécifiques), et l’amélioration de l’hygiène. Il faut aussi citer la pollution, le tabac, et bien d’autres facteurs pas encore tous connus ».
Mais ce n’est pas fini ! Une toute récente étude américaine démontre que les personnes qui consomment de l’eau du robinet, purifiée avec des pesticides, développent davantage d’allergies alimentaires que les autres. L’étude se garde toutefois bien d’établir un lien de cause à effet avec la hausse de la prévalence des allergies. Elle se borne à la constater.
Une femme enceinte (non allergique) peut se gaver d’arachides
Jocelyne Just, professeur d’allergologie à l’hôpital pour enfants Trousseau, à Paris, enrichit cette déjà longue liste en y ajoutant les vaccins infantiles (qui stimulent moins nos défenses immunitaires), la pollution de l’air extérieur (diesel) et intérieur (tabac, colle, vernis) mais aussi le stress. « Une femme enceinte et stressée a plus de risques d’avoir un enfant allergique ou asthmatique », explique-t-elle.
En revanche, aucun lien n’a jamais été démontré entre l’alimentation de la mère et l’éventuelle allergie de son enfant. Une femme peut se gaver d’arachides sans que son petit n’y soit allergique. L’inverse vaut également. « Un bébé sera toujours plus sensible aux polluants que sa mère inhale qu’à ceux qu’elle ingère », précise Jocelyne Just.
Les allergies les plus fréquentes disparaissent en grandissant
Chez les enfants, 90% des allergies alimentaires sont liées au lait de vache, aux oeufs et aux arachides. Les deux premières sont certes contraignantes, mais rarement graves. Et elles passent généralement avec les années. « Le système immunitaire digestif du très jeune enfant est peu développé. Ses défenses se renforcent au fil des ans, et son corps tolère de plus en plus d’aliments », explique Isabelle Mollé.
Inversement, quelques allergies (sésame, crustacés, fruits à coque) sont moins fréquentes, mais plus persistantes. Et elles peuvent avoir des conséquences sévères. Un enfant très allergique à un produit – quel qu’il soit - peut faire un choc anaphylactique, qui est une réaction allergique aiguë entraînant son pronostic vital. « Le nombre d’hospitalisations pour des réactions allergiques sévères chez les enfants a été multiplié par sept les dix dernières années », relevait, en juin dernier, l’EAACI.
Des nouveaux allergènes émergent
Tous les aliments peuvent déclencher une allergie alimentaire. Depuis 2001, 135 allergènes provoquant des allergies sévères ont été relevés par le réseau Allergovigilance du CICBAA. Parmi ces allergènes émergents chez les enfants, les laits de chèvre et de brebis ou encore les noix de cajou. Si la diversification alimentaire du bébé est importante, car elle stimule le système immunitaire de l’enfant avec les protéines étrangères des aliments et donc tend à réduire les risques d’allergie (on peut donner de la pâte de cacahuète à son enfant dès huit mois !), éduquer les palais des jeunes enfants à de nouvelles saveurs est à double tranchant : il risque de développer de nouvelles allergies.
Si tel est le cas, pas de panique. « Un enfant peut vivre normalement avec une allergie alimentaire ou de l’asthme », explique Isabelle Mollé. A condition de suivre un traitement et / ou d’éviter de consommer l’aliment. C’est certes plus facile de se priver de noix de cajou que de lait ou d’oeufs... Et c’est parfois l’alimentation de toute la famille qui est chamboulée. Première chose à faire : lire les étiquettes des produits qu’on achète. Depuis novembre 2011, une nouvelle réglementation européenne sur l’étiquetage des produits alimentaires oblige les industriels à mentionner la présence de 14 allergènes.
Une maladie anxiogène qui peut entraîner le repli sur soi
Ensuite, direction l’école de l’allergie alimentaire de l’hôpital Trousseau, ou les séances d’éducation thérapeutique au CHU de Nantes (et dans bien d’autres établissements hospitaliers). Là, enfants et parents reçoivent des conseils alimentaires, apprennent à connaître la maladie, à reconnaître les premiers symptômes pour éviter des conséquences graves. « Une allergie alimentaire est souvent vécue comme une catastrophe par un enfant comme par ses parents. La mère culpabilise toujours, les parents sont angoissés dès que leur enfant mange à l’extérieur. Quant à l’enfant, il a du mal à accepter qu’il ne peut plus partager ses biscuits avec ses copains, ou qu’il ne peut plus manger à la cantine. Bref, il se sent mis à l’écart, ce qui peut entraîner un repli sur soi », explique Isabelle Mollé.
« Beaucoup de personnes associent l’apparition d’une allergie à trois pauvres boutons. Mais il y a de plus en plus de formes sévères. La recherche a un gros travail à mener pour repérer ceux qui sont le plus à risque de formes graves et leur trouver des traitements adaptés », estime Jocelyne Just. Mais les allergies sont encore, malgré le nombre de personnes qu’elles touchent, fortement délaissées par la recherche.
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