C’est à la table des rois et des plus riches que le cacao a d’abord été dégusté en Europe. Devenu aujourd’hui l’une des matières premières les plus échangées au monde, il pourrait bien redevenir un produit de luxe, à la fois rare et cher. La faute au changement climatique, comme l’explique une étude menée par le Centre international d’agriculture tropicale (CIAT) et financée par la fondation Bill et Melinda Gates.
L’étude s’est penchée sur les conséquences d’une augmentation des températures d’environ 2,1 à 2,3°C d’ici à 2050 sur la Côte d’Ivoire et le Ghana. Ces deux pays produisent à eux deux plus de la moitié du cacao du monde, et c’est au Ghana que l’on récolte les fèves les plus recherchées de la planète. Or les auteurs sont formels : les surfaces agricoles propres à la production de cacao seront réduites drastiquement dans ces pays en cas d’augmentation des températures.
Des hectares entiers ne seront plus cultivables
Car le cacaotier demande des conditions bien particulières pour pousser. Une légère augmentation de la température accroît l’évapotranspiration de ces arbres, et réduit leur productivité puis leur durée de vie. « Nous voyons déjà les effets de l’augmentation de la température sur les cultures dans certaines régions, et ce phénomène va s’étendre avec le changement climatique. Par ailleurs, la demande augmente beaucoup, surtout en Chine, et les tensions se font déjà sentir sur les prix », note, dans son rapport, l’auteur de l’étude, qui s’attend à « une forte augmentation des prix à cause du changement climatique ».
Les producteurs de cacao ghanéens et ivoiriens devront donc faire pousser leurs arbres à plus haute altitude pour trouver des températures plus adaptées. Alors que l’altitude idéale pour faire planter un cacaotier est aujourd’hui située entre 100 et 250 mètres (au-dessus du niveau de la mer), elle devrait passer à 450 ou 500 mètres en 2050. La durée des sécheresses devrait également légèrement augmenter, suffisamment pour troubler les cacaotiers qui y sont très sensibles. De quoi transformer complétement la géographie de la production du cacao.
Ici les zones cultivables aujourd’hui...
...Puis en 2050
Des hectares entiers ne seront plus cultivables, comme les régions des Lagunes et du Sud-Comoé en Côte d’Ivoire, ou seront bien peu fertiles. Il y aura certes des lieux où la productivité grimpera, comme l’Est de la région Ashanti au Ghana, voire d’autres qui deviendront exploitables alors qu’aucune fève n’y pousse aujourd’hui, comme les 18 montagnes en Côte d’Ivoire.
Mais, en 2050, la quantité de surfaces propres à la production de cacao sera de toute façon bien moindre. Notamment parce que les nouvelles terres exploitables sont le plus souvent déjà occupées aujourd’hui. Le réchauffement risque donc de créer une concurrence entre la production de cacao – essentielle pour l’économie des deux pays – des zones habitées ainsi que « des zones forestières et d’autres habitats importants pour la faune et la flore ». Bien sûr, détruire ces zones serait contre-productif et ne ferait qu’accroître le réchauffement local.
C’est pourquoi les auteurs préconisent de travailler dès aujourd’hui à assurer la transition dans les zones productrices. Ils citent notamment l’utilisation de plants résistants à la sécheresse, de nouveaux systèmes d’irrigation ou encore de techniques de prévention des feux. Les producteurs devront produire d’avantage « sous ombre » c’est-à-dire sous de grands arbres permettant de réduire localement la température. Mais aussi diversifier les cultures, avec la production d’oranges, d’huile de palme ou encore de noix de cajou.
Si rien n’est fait en revanche, la production pourrait atteindre un pic à horizon 2030. Dès lors, les prix flamberaient, transformant le cacao en un produit de luxe. Mauvaise nouvelle pour votre petit déjeuner, le café et le thé sont menacés dans les mêmes proportions.
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