Ce billet s’inspire de celui de Jean Gadrey que je recommande vivement à tous.
La France n’est pas l’Espagne et ses 50 aéroports dont plusieurs fantômes, presque vides, comme celui de Castellon à côté de Valence et celui de Ciudad Real (à 160 km de Madrid) construit il y a à peine deux ans et qui va fermer. Pour autant, faut-il s’obstiner, au nom d’arguments des années 1960, dans le projet de Notre-Dame-des-Landes (NDDL) en remplacement de l’actuel aéroport de Nantes ? Et dépenser 750 millions d’euros (pour l’aéroport et ses dessertes) [1] quand on est aux abois et que l’on cherche, million après million, des rentrées fiscales par tous les moyens ?
Cet aéroport est un symbole de gaspillage et de fuite en avant, révélateur d’une incapacité à conduire la politique de transition énergétique (et écologique) que nous devons mettre en route dès aujourd’hui. La preuve avec ce jeu de sept erreurs.
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1
S’il faut investir aujourd’hui, c’est dans les économies d’énergie, à commencer par le pétrole, pour réduire notre dépendance à ce précieux liquide. Or, un nouvel aéroport n’a de sens que si le trafic aérien croît et donc en consomme plus. Ce projet va par ailleurs engendrer un trafic routier conséquent entre Nantes, Rennes et NDDL.
Si le projet se concrétise, il entraînera inévitablement une consommation accrue de pétrole. Si le pétrole devient trop cher ou trop difficile d’accès, alors il sera un échec. Pile c’est une erreur, face c’est un échec. CQFD.
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2
La priorité en matière de transport en France, c’est évidemment le renforcement des transports « bas carbone » (voiture très basse consommation, covoiturage et autopartage, renforcement des infrastructures ferroviaires existantes et amélioration du matériel ferroviaire roulant, éventuellement lignes de car et de bus pour réduire la dépendance à la voiture individuelle dans le périurbain …). Pour les déplacements intérieurs régionaux ou interrégionaux, le train doit prendre en charge le plus gros des déplacements.
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3
Pour les déplacements internationaux, on peut comprendre que la centralisation sur Paris soit déséquilibrante, mais est-il vraiment certain que l’aéroport actuel, s’il voyait une baisse des vols intérieurs [2]. ne pourra pas accueillir les vols internationaux qui eux-mêmes ne croîtront pas jusqu’à l’infini ?
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4
La justification économique des projets de transport repose sur une analyse coûts-bénéfices, dont le modèle est défini par l’administration.
Côté coûts, on compte les dépenses du projet et ses impacts négatifs (accroissement des émissions de CO2, pollution de l’air, bruit, emprise foncière etc.). Côté avantages, on compte les gains de temps, les effets positifs sur l’urbanisation…
Dans la pratique, dans le domaine du transport, les deux postes déterminants sont le temps gagné et les dépenses faites. En simplifiant à peine, l’étude d’un projet d’infrastructure de transport se ramène à un indicateur : le coût du temps gagné (sur sa durée de vie).
Trois remarques s’imposent :
le gain économique ne concerne que les usagers de l’avion, principalement les cadres supérieurs pour leurs déplacements professionnels et les catégories socio-professionnelles les plus aisées pour leurs loisirs.
ce gain est évidemment très sensible aux hypothèses retenues, notamment d’évolution du trafic aérien. Dans l’étude socio-économique de 2006 faite pour NDDL [3], il est supposé croissant jusqu’en 2050, le PIB étant lui-même toujours croissant (dans une fourchette entre 1,9% et 2,4%). Le prix du baril est aussi déterminant : dans l’étude citée, il se tient dans une fourchette de 60 à 80 dollars le baril (47 à 62 euros le baril) ! (Pour info, le prix actuel du baril tourne autour de 100 dollars, à savoir près de 80 euros). Ces hypothèses sont donc très optimistes. Une étude danoise [4] débouche par cette même méthode sur un constat de perte socio-économique élevée.
Enfin et surtout, est-il vraiment rationnel de comparer des accroissements de gains de temps, dans une période où tout va déjà beaucoup trop vite, à un accroissement de la dérive climatique et à l’épuisement de ressources naturelles ?
Source « Examen de l’analyse économique globale de l’aéroport du Grand Ouest Comparaison avec des améliorations sur Nantes Atlantique Delft, CE Delft, Octobre 2011 »
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5
Plus de 2 000 hectares de terrains agricoles et de zones humides vont être sacrifiés au bitume et au béton, alors que nous devons en finir avec l’érosion de la biodiversité et l’artificialisation des sols et au moment où il faudrait rapprocher les zones de production maraîchère des grands centres urbains. L’avenir est à la réduction des norias de camions qui traversent l’Europe dans les deux sens pour transporter, par exemple, des tomates ! L’avenir est à l’agriculture maraîchère de qualité et de proximité.
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6
Sur place, comme le dit l’économiste Jean Gadrey, ce ne sont pas les « petits projets utiles » qui manquent, ni les bras et les têtes pour les faire vivre : agroécologie, AMAP (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne), circuits courts, relocalisation d’activités économiques et sociales, monnaies locales, expérimentations et transitions énergétiques, habitats groupés et écologiques, préservation des semences paysannes… Toutes ces activités économiques d’avenir, car résilientes aux tensions à venir sur les ressources et les capacités de nos écosystèmes, ne sont pas assez valorisées aux deux sens du terme : ni reconnues à leur juste intérêt, ni aidées économiquement au contraire de tous ces projets aussi grandioses qu’inutiles.
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7
Pour finir, rappelons que le président de la République a annoncé un moratoire sur ce projet au moment de la nomination de Jean-Marc Ayrault comme Premier ministre. Comment ne pas ressentir qu’il s’est moqué de ses compatriotes ? La fin du moratoire n’a jamais été prononcée et les expulsions se font au motif que le projet a été décidé dans les règles démocratiques. Les études ont été faites, dont l’enquête d’utilité publique. Ce n’est pas en cognant sur les opposants que ce gouvernement inspirera confiance sur sa capacité à discerner les grands enjeux.
Cet article a initialement été publié sur le blog d’Alain Grandjean
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