Si vous marchez le nez en l’air ou circulez à vélo, vous avez peut-être remarqué un nouveau venu dans la rue : un petit panneau de signalisation triangulaire de 15 ou 30 cm, pointe en bas, fixé aux feux tricolores. Il représente un vélo jaune sur fond blanc, sous lequel une flèche pointe à droite ou tout droit. Son nom scientifique : « panonceau d’autorisation conditionnelle de franchissement pour cycles ». Son nom de code : M12. Ses surnoms : tourne-à-droite vélos et cédez le passage cycliste, nettement plus explicites.
De la même manière que les flèches orange clignotantes permettent aux voitures de tourner à droite au feu rouge, ces petits panneaux autorisent les fondus de la pédale à griller le feu rouge pour prendre la voie de droite (en cas de carrefour en croix) ou pour filer tout droit (dans un carrefour en T, quand il n’y a pas de voie à droite), à condition de céder le passage aux piétons, prioritaires.
Une circulation plus fluide, moins d’accidents
Le dispositif existe depuis des décennies aux Pays-Bas. En France, la FUB, la Fédération des usagers de la bicyclette, l’a réclamé dès 2006 car, selon sa présidente Geneviève Laferrère, « c’est une mesure incitative pour les cyclistes : ça fluidifie leurs trajets, leur évite de dépenser trop d’énergie musculaire pour redémarrer et ça cause moins d’accidents. Quand tous démarraient en même temps, les vélos se retrouvaient dans l’angle mort des véhicules », explique-t-elle.
Le Certu, le Centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques, dépendant des ministères de l’Ecologie et de l’Egalité des territoires, relève aussi « l’absence d’accident lié à l’autorisation accordée au cycliste de tourner à droite au feu rouge », mais également « aucune incidence négative sur le respect du feu pour les autres mouvements ou aux autres carrefours, des pratiques cyclistes jusque-là erratiques mieux canalisées, des cyclistes qui restent sur la chaussée et qui ne coupent plus par le trottoir pour éviter le feu ». Bref, un sans faute.
Le principe du tourne-à-droite a été validé par décret en 2010, mais il a encore fallu attendre deux ans pour qu’un arrêté crée la signalisation adaptée au dispositif.
300 panneaux à Nantes
L’expérimentation courant 2010 à Bordeaux et Strasbourg de sémaphores à quatre feux, le quatrième représentant un vélo orange s’allumant en même temps que le feu rouge, a été jugée trop onéreuse. C’est la solution testée à Nantes, celle du panonceau à 50 euros pièce (150 euros si l’on compte tous les frais d’installation), qui a été retenue.
« Avec ce système, on a légalisé une pratique courante, qui était de brûler le feu rouge pour tourner à droite, une infraction au code de la route passible de 90 euros d’amende », explique Hadrien Bedok, de la direction générale des déplacements à vélo au sein de Nantes métropole. Aujourd’hui, la cité des ducs de Bretagne est la mieux équipée de France avec près de 300 tourne-à-droite, répartis sur 80 carrefours. Ailleurs, « ça fleurit au compte-gouttes », s’impatiente Geneviève Laferrère. A ce jour, une cinquantaine de communes s’en sont dotées, comme le relève l’Observatoire national des cédez le passage cycliste au feu. Mulhouse, Dijon, Nantes et Grenoble sont pour l’instant les mieux équipées (consultez la liste ici).
Tous les carrefours ne sont pas adaptés
Après un an d’expérimentation de 15 panneaux dans deux quartiers en zone 30 de la capitale, la mairie de Paris a annoncé en début d’année la généralisation du dispositif à toutes les zones 30. Le déploiement est en cours. A Lille, le dispositif est vieux d’une semaine. Vinciane Faber, conseillère municipale en charge du Plan vélo, suit la mise en place de panonceaux sur une cinquantaine de carrefours. Le but étant, à l’avenir, d’en équiper 170. « On a sélectionné les deux itinéraires les plus fréquentés par les cyclistes, qui traversent la ville de part en part. Seuls sont équipés les carrefours où le franchissement du feu rouge ne représente aucun danger pour les cyclistes comme pour les piétons, qui restent de toute façon prioritaires », explique la conseillère. L’arrêté ministériel précise en effet que l’emploi du panonceau « doit être réservé aux carrefours où le mouvement des cyclistes autorisé n’est que faiblement conflictuel et compatible avec les conditions de visibilité offertes ».
Le début d’une reconquête
Dans la capitale des Flandres, l’accueil est très favorable : « Les cyclistes sont bien contents de ne pas avoir à attendre trois minutes au feu rouge quand il pleut », précise la conseillère. Pour l’association droit au vélo, « cette mesure ne constitue pas un privilège accordé aux cyclistes, mais plutôt le début d’une reconquête » de la circulation urbaine par le deux-roues, au même titre que le double sens cyclable. Mais à l’inverse de celui-ci, qui a suscité beaucoup d’oppositions de la part des élus locaux le considérant comme accidentogène (ce qui n’est pas le cas, comme Terra eco l’a démontré), le tourne-à-droite est bien vu des édiles. « J’ai cru que j’allais devoir batailler pour l’imposer mais son installation n’a même pas été discutée », s’étonne encore Vinciane Faber.
Et elle est appréciée des collectionneurs. « Ça faisait presque quarante ans qu’on n’avait pas créé de nouveau panneau dans le code de la route », explique Hadrien Bedok. En une semaine, deux panonceaux ont déjà été volés à Lille. A Nantes, ils se comptent par dizaines. Ceux qui se feraient surprendre en pleine rapine pourraient toujours pédaler pour se défendre : la dégradation de biens publics, ça coûte bien plus cher qu’un feu qu’on grille. Pour les autorités, voler les tourne-à-droite, c’est franchir la ligne rouge.
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