idées vers l’autonomie énergétique |
Par philippe crassous |
29-02-2016
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pourquoi les émissions brutes de CO2 du bois énergie sont supérieures à celles du charbon : |
Voici quelques mois, je partais en croisade contre cet engouement pour le bois énergie.
C’était alors ma logique de pensée qui me poussait dans cette démarche, n’arrivant pas à adhérer à l’argumentaire de la compensation CO2 et à l’optimisme sur l’abondance de la ressource.
Par ailleurs, une lointaine formation d’agronome m’a laissé quelques notions de la composition du bois et le voir catalogué comme « peu émetteur de CO2 » me faisait réagir.
D’abord seul contre (presque) tous, j’ai depuis appris que le vent tournait dans la communauté scientifique, comme le démontrent ces deux rapports :
celui de la coalition mondiale des forêts (un consortium de 80 ONG de 52 pays différents), publié à l’occasion de la cop 21 et son résumé en français ,
et celui de Greenpeace « de biomasse à biomascarade » réalisé en 2011. Ils expliquent que :
les émissions brutes de CO2 du bois sont bel et bien plus importantes que celles du charbon (jusqu’à +150 % selon Greenpeace) ;
la convention de calcul qui annule purement et simplement ces émissions (la « compensation CO2 ») n’a pas de raison d’être ;
le bois ne devrait pas être considéré comme renouvelable.
L’essentiel y est dit, j’aimerais apporter ici un modeste complément.
J’ai souhaité tenter d’expliquer pourquoi le bois est un gros émetteur de gaz à effet de serre : c’est tellement à contre-courant de ce qui est habituellement dit qu’il me semble qu’une justification s’impose pour aider à admettre ce fait.
Il y a deux raisons simples qui font que le bois est très émetteur de CO2 : l’une chimique et l’autre physique.
Les énergies fossiles aussi sont composées de chaînes hydrocarbonées, et ce n’est pas un hasard : ils sont dérivés des êtres vivants ! Un long cycle de transformation en a sensiblement modifié la composition chimique.
Lors de la combustion (réaction d’oxydation par O2) de ces chaînes carbonées, le carbone et l’hydrogène réagissent avec le dioxygène de l’air, les liaisons entre atomes sont brisées et réorganisées. Ces transformations libèrent du CO2, de l’eau et de l’énergie sous forme calorique.
Par exemple, dans le cas simple du méthane : CH4 + O2 → CO2 + 2 H2O
Ici un atome de carbone comporte 4 liaisons vers d’autres atomes d’hydrogène. Dans le cas de la molécule de méthane, les quatre liaisons de l’atome de carbone sont brisées et toutes ont été oxydées et ont fourni de l’énergie.
Si l’atome de carbone est déjà lié à un atome d’oxygène, la liaison (déjà oxydée) n’est pas brisée et donc seules les liaisons restantes contribuent au dégagement de l’énergie.
Par contre, une molécule de CO2 reste émise pour chaque atome de carbone en jeu dans la combustion. Chaque molécule de CO2 émise dans une combustion n’a donc pas forcément engendré la même quantité d’énergie : c’est pourquoi il y a des combustibles plus efficients que d’autres, et des combustibles moins émetteurs de CO2 que d’autres. Le tableau suivant donne l’énergie de combustion dégagée par g de gaz(4)
Ainsi, plus il y a d’oxygène dans la chaîne carbonée, moins il y a d’énergie disponible. Mais il y a tout autant de CO2 au final. La teneur en oxygène du « combustible organique » est donc liée à son efficience.
Pour les gaz, deux fois et demi moins émetteurs de CO2 , que le charbon, il n’y a pas du tout d’oxygène :
le propane C3H8
Le bois est composé essentiellement de (50%) cellulose(5) (polymère du glucose), de lignine(6) (25 à 30%) qui est un polymère complexe constitué de motifs phénoliques comme l’indique l’image suivante et d’hémicellulose.
Structure possible d’une lignine de pin : (source des images : wikipedia, bois)
Structure d’une cellulose : chaque « O » désigne un atome d’oxygène : au premier coup d’œil, on voit que le bois contient une grande quantité d’oxygène.
En effet, en moyenne, la composition centésimale massique du bois s’établit comme suit : C 50 % ; O 42 % ; H 6 % ; N 1 % ; composés minéraux 1 % (Ca, K, Na, Mg, Fe, Mn, S, Cl, Si, P).
Au passage, on note la présence d’atomes d’azote (N 1%) : ils deviendront des oxydes d’azote NOx,dont le protoxyde d’azote NO2 qui est 300 fois plus efficace que le CO2 pour l’effet de serre, et qui contribue au phénomène des pluies acides.
Cet azote est, à l’origine, prélevé dans le sol. Un cycle naturel le restituerait au sol, sans création de NOx. En brûlant le bois, on transforme l’arbre en machine à fabriquer du NOx et à le rejeter dans l’atmosphère.
Le charbon ne possède quasiment pas d’oxygène : 7-8 % en masse, contre 42 % pour le bois.
Encore une fois, c’est relativement simple : le bois vert contient de l’eau. De 30 à 70 % de la masse totale.
Cette eau doit d’abord s’évaporer pour que la combustion du bois se fasse, sinon la température ne peut pas s’élever à une valeur suffisante.
Ce restant d’eau est évaporé en ponctionnant une partie de l’énergie de la combustion : le bois finit de se sécher au feu de bois en quelque sorte. Et l’énergie demandée par cette déshydratation correspond à environ 15 à 20% de l’énergie contenue dans le bois. Et cette énergie n’est pas non plus prise en compte dans les bilans carbone du bois énergie ! (7)
Pour comparer aux énergies fossiles, cette énergie de déshydratation est, à elle seule, du même ordre, voire supérieure à celle demandée pour l’extraction du charbon, ou pour l’extraction et le raffinage des pétroles conventionnels : 10/15 % de l’énergie totale initiale (Source Négawatt(8) : Même si le bois est une ressource locale et facile d’accès, le simple fait qu’il contienne de l’eau annule cet avantage par rapport aux fossiles, pourtant extraits des profondeurs et transportés sur des milliers de km.
Si on rajoute l’énergie nécessaire à la récolte et au transport du bois cela devient pire.
Bien sûr j’oublie aussi l’énergie du broyage des plaquettes et surtout celle des pellets, broyés beaucoup plus finement puis fortement comprimés.
(Détail du calcul à partir de chiffres pris sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Bois_... pouvoir calorifique du bois PCI à 60 % d’humidité : 1,7 kwh/kg, ce qui fait 4,25 Kwh/kg de « l’extrait sec » contenu dans ce bois (1,7/(100-60/100)=4,25) PCI à 11 % d’humidité : 4,4 Kwh/kg, soit 4,94 Kwh/kg d’extrait sec (4,4/(100-11/100)=4,94) La différence entre ces deux chiffres c’est 14 %, (1-(4,25/4,94*100)), soit l’énergie consommée par le séchage de 60 % à 11 % d’humidité. On retrouve quelque chose d’équivalent en calculant l’énergie nécessaire à échauffer cette eau de 20° à 100° (4,18 KJ par Kg d’eau et par degré), puis pour la chaleur latente de vaporisation de cette eau (2265 Kj/kg) : avec un bois à 60 % d’humidité il faut 2,5 kg de bois humide pour avoir 1kg de matière sèche, donc 1,5 litres d’eau à évaporer. Pour chauffer cette eau : 0,14 Kwh (=1,5x4,18x(100-20)/3600), Pour évaporer cette eau : 0,94 Kwh (=1,5x2265/3600) Soit 1,08 Kwh au total. L’énergie totale contenue dans ce bois à 60 % d’eau était donc de (1,7 (le PCI/kg) x 2,5 kg)+ 1,08 Kwh qui ont servi à évaporer l’eau = 5,33 Kwh. Et par rapport à ce total, 1,08 Kwh c’est 20 %.)
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