Les bruits de marteau résonnent dans la pièce. Murielle s’en donne à cœur joie pour aplatir des petites capsules de bouteilles. Concentrée, elle fabrique un « hochet ». Ce n’est pas un jouet, mais un instrument de musique créé avec des capsules écrasées et « un truc ramené de Madagascar pour faire des grillades ». Nous sommes au Lull, le local de l’association Lutherie Urbaine, fondée il y a une dizaine d’années à Bagnolet (Seine-Saint-Denis). Son credo ? La création musicale et la fabrication d’instruments à partir d’objets du quotidien et de matériaux recyclés. Enfilées sur la petite grille en forme de poisson, les capsules de Murielle s’entrechoquent et jouent un air de fête au rythme du mouvement de son poignet. A ses côtés, sept autres adultes sont venus effectuer un stage d’une semaine au Lull pour inventer et fabriquer leurs propres instruments extraordinaires. « Je n’avais jamais bricolé de ma vie », s’amuse Murielle. La conteuse, qui connaît « plus les mots que la musique », avait envie cette fois de créer ses instruments.
Dans le grand local, des objets en tout genre s’entassent sur les étagères pour fabriquer guitares, xylophones ou cuicas, des instruments d’Amérique latine qui produisent des vibrations lorsque l’on frotte un chiffon sur une corde ou un bâton. Bassines en plastique, boîtes de conserve ou bouts de tissus... Rien ne se perd. Catherine, qui s’est lancée dans la fabrication d’un charley, un élément de batterie à pédale, remplacera une des deux cymbales par un couvercle de poubelle en métal. Perceuse à la main, elle dévisse sa précieuse trouvaille. De la scie aux vis en passant par la fraiseuse, les outils ne manquent pas au Lull ! Benoît, le luthier en chef, est là pour donner un coup de main ou un conseil. Il a fabriqué la plupart des instruments de la Lutherie Urbaine, utilisés par différents artistes lors des spectacles organisés par l’association. Exposés dans l’entrée du local, l’arbre à poêles pour les percussions ou les cordes montées sur une chaise attirent les regards et inspirent les stagiaires.
« On arrive à faire des instruments avec des bouts de ceci, des bouts de cela, des choses qu’on n’achète pas », se réjouit Catherine. De la musique qui ne coûte rien, en somme. Benoît aide chacun à choisir les bons matériaux qui produiront les sons recherchés. Car tous les instruments seront ensuite accordés. Devant son plan de travail, recouvert de planchettes en bois, Cliff essaye de construire un xylophone. « Il faut que je creuse encore un peu ce morceau pour obtenir un Do », explique-t-il. Entre deux coups de scie, il propose son aide aux autres stagiaires. « J’ai déjà fait un premier stage, raconte-t-il. Maintenant, comme je m’y connais un peu, je donne des coups de main. » Une philosophie qui colle bien à celle de la Lutherie Urbaine. « L’important, c’est la transmission », insiste Benoît. En plus des stages ponctuels, l’association propose un atelier hebdomadaire, pour petits et grands, de création d’instruments et d’expérimentation sonore. La Lutherie Urbaine travaille également avec des établissements scolaires, des médiathèques ou des centres de quartiers. « Le but est d’embarquer les gens dans la musique même s’ils n’ont pas de bagage et ne connaissent pas le solfège, précise Myriam Camara, médiatrice culturelle de l’association. On leur explique qu’on peut fabriquer des choses de manière très simple. »
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