Se soigner avec du cannabis ? Depuis le 8 juin, la loi dit « pourquoi pas ». Mais sur ordonnance et sous forme de médicaments seulement. Après la publication d’un décret modifiant le code de la santé, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) peut désormais délivrer des autorisations de mise sur le marché (AMM) pour des anti-douleurs et stimulants d’appétit à base de chanvre. Reste une condition : abandonner toute ambition de made in France pour la fabrication de ces médicaments.
En France, du pavot à opium mais pas de cannabis
Pour l’instant, le gouvernement s’oppose farouchement à l’idée de planter légalement, sur le sol français, la plante interdite. « Même à visée thérapeutique, aucune opération de production nationale n’est envisagée », tranche Mayada Boulos, conseillère au cabinet de Marisol Touraine. Pourtant le décret signé par la ministre des Affaires sociales et de la Santé n’interdit pas « les opérations de fabrication de spécialités pharmaceutiques contenant du cannabis ». Un alinéa que le ministère commente avec prudence : « Par fabrication, on parle tout au plus des opérations d’emballage et de conditionnement. »
Pourtant, de la Champagne-Ardenne au Poitou-Charentes, la France cultive déjà du pavot à opium sur plus de 10 000 hectares. Grâce à ses champs tenus secrets, elle figure même parmi des premiers producteurs de morphine au monde, derrière le géant australien. Mais le gouvernement ne semble pas vouloir s’embarrasser de nouvelles plantations sensibles. Le Sativex, premier anti-douleur à base de cannabinoïde que pourront se procurer des patients français, sera donc anglais.
En Angleterre, on cultive dans le plus grand secret
Grâce à une dérogation spéciale accordée par le ministère de l’Intérieur britannique, la société GW pharmaceuticals a pu installer ses serres quelque part dans le sud de l’Angleterre. A l’image du pavot français, le cannabis utilisé pour soulager les personnes atteintes de sclérose en plaques s’y cultive dans le plus grand secret. Même les principaux partenaires du laboratoire n’ont pas plus d’informations sur la localisation des plantations. La compagnie Almirall, qui distribue le Sativex dans toute l’Europe, avoue ne disposer que de très peu de détails sur les conditions de production de cette matière première.« Les plantes sont cultivées en milieu fermé, sous très haute-sécurité » élude Mark Rogerson de GW pharmaceuticals. « Il n’y a pas d’intermédiaire, pas de sous-traitant. Pour garder le contrôle nous faisons tout nous même », précise-t-il. Et les pratiques sont très éloignées de l’agriculture traditionnelle. Lumière, température, humidité : des logiciels évaluent et ajustent en permanence les conditions de production pour assurer une croissance et une qualité optimale. Le fruit de ces efforts millimétrés ? Des kilos de THC, dispatchés par dose d’environ 3 milligrammes dans chaque spray de Savitex. Sur les quantités totales de cannabis produites, le groupe garde là encore le mystère. Mais Mark Rogerson s’empresse de préciser : « Nos produits ne sont fournis à aucun chercheur extérieur. » Pour la plupart des laboratoires pharmaceutiques, le cannabis est un objet de recherche prisé.
Après le Sativex, le prochain médicament vendu en France pourrait être le Marinol, un dérivé du cannabis destiné à redonner de l’appétit aux personnes atteintes du Sida. Pour se le procurer, les pharmacies françaises devront cette fois chercher plus loin et se tourner vers un laboratoire coréen.
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