Samedi 22 février. Des opposants à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes défilent dans les rues de Nantes. Dans le sillage de la manifestation, de nombreux dégâts : poste de police saccagé, vitrines brisées, pavés descellés. Dimanche 23 février. Au lendemain de l’événement, le Premier ministre appelle Europe Ecologie - Les Verts (EELV) à « sortir de l’ambiguïté », sur ce dossier et répond au passage à Cécile Duflot. Dans une interview au Monde, la ministre du Logement avait en effet affirmé être « de cœur » avec les manifestants. « Ma contestation de ce projet est ancienne, notre participation à la majorité n’y change rien », avait-elle déclaré.
Terra eco : Comment réagissez-vous aux propos du Premier ministre ?
Yannick Jadot, eurodéputé Vert : Avant la manifestation, on a appelé à participer très largement au défilé contre ce projet. Il n’y a jamais eu la moindre ambiguïté sur notre position. Nous avons toujours été très clairs. D’ailleurs notre désaccord sur la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes a été acté officiellement (dans l’accord Verts - PS de novembre 2011, ndlr). Et puis, alors que les incidents commençaient samedi, on a aussi été les premiers à dénoncer la violence.Dans toutes les manifestations – même celles auxquelles nous participons – nous dénonçons la violence. Il n’y a pas d’ambiguïté là-dessus. Maintenant, j’aurais préféré qu’il n’y ait pas d’instrumentalisation de ce qui s’est passé, qu’on ne nous fasse pas complice de cette violence. C’est malsain d’un point de vue politique. Mais avec les municipales qui arrivent…
Comment réagissez-vous à ces manifestations de violence ?
De cette manifestation, on ne retient pas les familles mais les casseurs. Evidemment, toute cette violence, ça ne donne pas une bonne image. Mais ce n’est pas nouveau. Cela fait des années qu’il y a des groupes ultras qui s’agrègent dans ce type de manifestations et ne cherchent que la baston. Ça n’a rien à voir avec le combat contre Notre-Dame-des-Landes, ces gens sont là pour taper du CRS. Ça va à l’encontre du combat sur lequel ils s’enkystent.
Ne pensez-vous pas que ces violences puissent être aussi le fait d’opposants au projet qui se radicalisent ?
Je ne peux pas dire que chaque militant opposé à Notre-Dame-des-Landes est un pacifiste qui s’assume. Je ne peux pas dire non plus qu’il n’y a pas d’alter radicaux, d’anticapitalistes durs dans la ZAD (Zone à défendre, territoire sur le site du nouvel aéroport, ndlr). Il y en a. Mais ce n’est pas eux qui ont pu faire dégénérer à ce point cette manifestation. Il y a un an (le 17 novembre 2012, ndlr), lors de la grande manifestation sur le site de Notre-Dame-des-Landes, il n’y a pas eu de baston. Parce qu’elle se tenait sur le site et que les CRS se sont tenus à distance. Là, jusqu’au bout la Préfecture a changé le tracé… C’est un jeu qui contribue à rendre les choses insupportables pour les citoyens et contre-productif pour notre combat.Continuerez-vous à soutenir l’opposition à Notre-Dame-des-Landes ?
Oui, mais les collectifs d’organisateurs vont réfléchir… Même si c’est difficile de mieux encadrer les choses que ce qui a été fait. Et puis, on ne peut pas empêcher des groupes ultras de prendre un train et de venir squatter.Pensez-vous que ces violences décrédibilisent le combat contre le nouvel aéroport ?
Ça va très à l’encontre du message envoyé par les 40 000 manifestants. Il y a eu notamment une dégradation des transports publics alors que ce combat c’est aussi pour un meilleur développement des transports publics… Il n’empêche que ces 40 000 personnes sont venues manifester. Cela montre l’incroyable résistance contre ce projet. Au delà du fait que l’Etat n’a pas les moyens, que les prévisions de trafic ne justifient pas la présence d’un nouvel aéroport, que la gestion des zones humides et des espèces protégées n’est pas prévue, ce projet n’a pas de sens. C’est par orgueil qu’il est maintenu. Et c’est ce qui génère cette lutte locale.Trouvez-vous qu’il y a deux poids deux mesures ? Puisque le gouvernement recule sur l’écotaxe et maintient le projet d’aéroport…
J’aimerais que ce gouvernement résiste moins au discours de raison des écologistes et un peu mieux aux peurs irrationnelles des manifestants de droite ces derniers mois. Quand on discute du sujet dans la région, on se rend compte que les socialistes en ont marre de ce projet qui est créateur de tension et qui n’est pas nécessaire. Le Premier ministre en a une gestion plus que personnelle. Il faut évidemment en finir pour que personne ne sorte humilié.
Pensez-vous qu’il est encore temps ?
Il est toujours temps. Je pense que le projet ne se fera pas. Alors il faut avancer.Vraiment ? Vous pensez qu’il ne se fera pas ?
Oui. Imaginez. Il faudrait mobiliser 500 gardes mobiles pour intervenir sur une zone de cette taille, avec tous les manifestants qui l’occupent… Il y aurait beaucoup de résistance, les travaux ne pourraient avoir lieu. Et au delà de la faisabilité, comment justifier qu’on dépense des centaines de millions d’euros pour un projet inutile ?Comment donc le Premier ministre pourrait-il sortir la tête haute selon vous ?
En justifiant l’annulation par le fait qu’il y a plein de projets d’infrastructures annulés dans les régions. Simplement parce que les collectivités et l’Etat n’ont plus les moyens. Pourtant certains projets – notamment la rénovation des réseaux ferroviaires régionaux, des gares – sont très utiles pour le quotidien des Français. Ce projet-là est inutile et très contesté. Il n’a plus sa place.A lire aussi sur Terraeco.net : Le mirage Notre-Dame-des-Landes
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