innovation politique |
Par Rodrigue Coutouly |
24-09-2011
|
Une école durable est-elle possible ? |
Interrogeons cette évidence car nous allons voir que cela n’est pas aussi simple que cela.
Cette éducation se veut ancrée dans toutes les disciplines, multipliant les modalités et les points de vue, travaillant de manière systémique. Cette éducation, dans son essence même, se voit comme une initiation à la complexité. Travaillant sur des études de cas précis, l’enseignant et ses élèves découvrent ensemble une situation particulière, souvent locale, qui donne de « la chair » et permette de comprendre ses enjeux environnementaux, ses interactions avec les réalités économiques et sociétales.
Cette démarche séduisante a pourtant ses limites. Si la discipline peut être travaillée dans toutes les disciplines, les sciences et la géographie sont celles qui se prêtent le mieux à son utilisation.
Les programmes ont donc évolués pour tenir compte de cette nouvelle approche. Mais, face à elle, les enseignants sont souvent mal à l’aise.
Elle nécessite en effet une véritable remise en cause de leur travail. S’agissant d’une approche « politique » (au sens noble du terme), le développement durable bouscule les croyances et les convictions de certains d’entre eux, qui font preuve, en temps que citoyen, de scepticisme face à l’écologie.
Peut-on enseigner correctement le développement durable quand on est convaincu personnellement que le réchauffement climatique et les travaux du GIEC sont discutables, quand on est passionné, par exemple, de motos ou de voyages sous les tropiques ? L’enseignant rencontre parfois la contradiction entre sa vie quotidienne, ses convictions personnelles et les exigences de sa fonction.
Le ministère reconnaît d’ailleurs qu’il est difficile « d’identifier une définition simple et acceptable pour tous du développement durable, un concept encore en construction ». Il est difficile pour l’enseignant de s’emparer de savoirs imprécis et fragiles qui bousculent les certitudes de sa formation universitaire et les cloisonnements de sa discipline.
De plus, l’expression de développement durable est devenue redondante dans tous les discours : politiques, chefs d’entreprise et journalistes l’emploient à tort et à travers alors même qu’elle est discutable et fragile. Dans ce contexte, il est difficile de donner de la cohérence à un sujet aussi versatile et trivial.
Aussi, si l’éducation au développement durable est une nécessité incontournable, il ne faut pas s’en contenter. L’école durable peut prendre d’autres formes que l’on voudrait décrire ici.
Or, une école est d’abord un lieu de vie où, chaque jour de l’année scolaire, des centaines de personnes (élèves, personnels, parents) consomment de l’énergie, de l’eau, mangent et produisent des déchets. Une école émet du carbone comme une entreprise.
Cet angle d’attaque du problème présente l’intérêt de toucher à la vie quotidienne des gens et peut avoir un retentissement considérable car l’école touche l’ensemble de la population.
Dans l’établissement de vos enfants, le tri des déchets existe-t-il ? Lieu de passage et de vie, l’école peut se révèler un lieu de collecte de certains déchets (ampoules, piles, etc...).
Les cantines scolaires peuvent devenir une « force de frappe » considérable dans la généralisation de l’usage de produits alimentaires issus de l’agriculture biologique.
A l’école, source de déplacements quotidiens pour les élèves, les parents et le personnel, une démarche de promotion des modes de transport « doux » est possible (transport en commun, co-voiturage).
Ces quelques exemples montrent qu’il y a de nombreuses actions possibles : les établissements scolaires ayant intégré une démarche Agenda 21 sont pourtant rares.
La multiplicité des missions fixées aux établissements, l’inflation croissante des tâches dans un contexte de réduction budgétaire ne facilitent pas l’implication des équipes. On sait aussi que l’impulsion donnée par les cadres du système (personnel de direction,inspecteurs) est cruciale. Or, ceux-ci ne sont pas toujours sensibilisés, et encore moins formés, à ces questions.
Alors que peut-on faire de plus ? Et bien, il est possible d’aller plus loin en s’intéressant aux établissements scolaires comme des écosystèmes dont il faudrait développer la durabilité.
C’est dire si les écoles, collèges et lycées sont, en général, de véritables passoires énergétiques. Les prix croissants de l’énergie sont d’ailleurs en train de mettre les établissements en difficulté. Leur budget n’augmentant pas ou peu, les collèges et les lycées sont obligés de réduire leurs crédits pédagogiques pour payer leurs factures de gaz, de fuel et d’électricité.
Certes, la décentralisation, à partir des années 80, a permis aux collectivités territoriales de reprendre la main. Ce qui les autorise, pour les nouveaux établissements neufs, à construire des établissements aux labels HQE ou BBC. Mais la très grande majorité des établissements n’en bénéficient pas.
Proposons de transformer le parc d’établissements en bâtiment à énergie positive : en installant une « peau » extérieure isolante, en mettant des mini-éoliennes et des panneaux solaires sur les vastes toits des bâtiments scolaires, en installant des systèmes de récupération d’eau et des toilettes sèches, on transforme la vie et l’organisation des établissements.
Si on associe les membres de la communauté éducative à l’élaboration du projet, on fait avancer la cause environnementale bien davantage que par quelques actions ponctuelles ou par l’étude de quelques cas en géographie. L’élaboration de ce projet peut devenir un objet d’étude pédagogique pour les élèves.
Voir et faire évoluer l’établissement comme un écosystème peut aller encore plus loin : si on possède, derrière un bâtiment, un espace vert, on peut y installer un potager, des ruches ou une mare pédagogique.
Certes, on va me rétorquer qu’en ces temps de disette budgétaire, l’Etat et les collectivités territoriales n’ont pas d’argent à mettre dans ces coûteuses opérations.
Mais la recherche de l’autonomie énergétique des établissements scolaires présente le double intérêt de participer à la relance du secteur du bâtiment et de limiter les dépenses énergétiques qui plombent notre balance commerciale.
On pourrait accélérer le processus, développer les initiatives et favoriser son financement, en demandant une petite contribution incitative aux établissements, contributions utilisés pour payer, en partie, les travaux.
Si le développement durable veut devenir une préoccupation centrale dans l’école de demain, il ne faudra pas seulement qu’elle pénètre dans les classes, il faudra aussi changer le mode de vie quotidien des membres de la communauté éducative, il faudra faire évoluer les bâtiments où ils vivent.
Principal de collège, agrégé d’histoire-géographie, j’ai été, dans une autre vie, technicien forestier à l’Office national des forêts et j’ai travaillé en Afrique sahélienne. |
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions