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28-02-2013
Mots clés
Alimentation
Agriculture
France
Interview

Stéphane Le Foll : « J’ai choisi une autre voie, l’agroécologie »

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Stéphane Le Foll : « J'ai choisi une autre voie, l'agroécologie »
(Crédit photo : hamilton - réa)
 
Diplomatie et conviction : ce sont les maîtres mots du ministre de l’Agriculture, fervent défenseur d’un nouveau système agricole, plus à l’écoute de la nature. Il détaille sa stratégie pour faire avancer cette vision, en France comme en Europe.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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La commission Agriculture du Parlement européen vient de voter des textes peu contraignants en matière d’environnement. Est-ce à dire que la PAC (politique agricole commune) verte n’aura pas lieu ?

C’est le signe que le verdissement de la PAC à l’échelle de 27 pays n’est pas simple. Mais nous allons continuer à le défendre. La France, avec la Commission européenne, pèse pour éviter que l’environnement ne soit traité à un niveau national, indépendamment du cadre européen, et pour qu’il n’y ait ainsi pas de distorsions de concurrence entre des Etats attachés à l’environnement et d’autres qui voudraient s’exonérer d’une responsabilité environnementale.

Vous souhaitez aussi un Hexagone leader européen de l’agroécologie. Cela implique-t-il plus de contraintes et d’incitations pour les agriculteurs français ?

Faut-il en passer par la contrainte ? Est-ce un handicap de se soucier de l’environnement quand on fait de l’agriculture ? Non. Rien n’avancera si on reste bloqué dans le débat entre ceux qui veulent conserver le système agricole actuel et ceux qui le combattent à travers la question écologique. J’ai choisi une autre voie, l’agroécologie. Cela implique de revenir à l’agronomie et à une maîtrise pointue des mécanismes naturels, en faisant jouer la concurrence entre espèces plutôt qu’en recourant aux insecticides. La nature a des potentiels énormes, que les molécules artificielles ont pu nous faire oublier. A ceux qui disent qu’on ne peut pas produire autant avec l’agro-écologie, je réponds : « Venez constater avec moi, sur le terrain, que l’on peut faire des rendements de 80 quintaux à l’hectare en blé ou 9 000 litres par an pour une vache laitière avec des systèmes écologiquement performants. »

Faudra-t-il plus d’agriculteurs ?

Je n’ai pas la réponse. On a dit qu’il ne fallait pas descendre sous la barre du million d’agriculteurs en France, puis des 600 000, des 400 000. En quelques décennies, il y a eu une hausse incroyable de la productivité du travail agricole grâce aux évolutions techniques. De petites unités de production moins intensives en capital, mais plus en travail, se sont montrées compétitives grâce aux circuits courts. Le nouveau modèle que je défends implique une expertise et une présence humaine accrues, compensées économiquement par la baisse de la consommation d’intrants. Ce ne sera plus aussi simple que : « Je laboure, je herse, je sème, je passe un herbicide, un fongicide, un insecticide. » La formation initiale des agriculteurs – que je suis en train de réformer – et la formation continue sont, à ce titre, un enjeu.

Certains refusent ce modèle…

Certaines pratiques agroécologiques, comme le non-labour, sont critiquées par des agriculteurs et des écologistes. Des associations me disent que le labour, c’est l’histoire. Certes, cela fait des milliers d’années qu’on laboure, à l’origine pour désherber, mais utiliser des lombrics est-il moins écologique que labourer ou mettre des herbicides ? Dans des systèmes bien maîtrisés, préserver la matière organique dans les sols permet d’économiser les intrants !

Alors, comment convaincre ?

J’essaie de ne braquer personne. Les pionniers du secteur bio étaient vus comme des originaux il y a vingt ans et le sont aujourd’hui encore. Ils ont assumé les risques et accepté d’en passer par des phases de baisse de rendements. Mais on ne peut exiger des autres agriculteurs qu’ils fassent de même, au mépris de la viabilité économique de leurs exploitations. Les expériences des pionniers doivent être immédiatement disponibles pour faire évoluer les systèmes en faisant courir le moins de risques à ceux qui s’y essaieront. C’est l’enjeu de la diffusion du savoir et des connaissances que permettront la loi d’avenir sur l’agriculture, prévue à la fin de l’année 2013, et les groupements d’intérêts économiques et environnementaux.

A quoi serviront ces groupements ?

A inciter les agriculteurs à s’organiser collectivement pour investir et s’engager dans une démarche agroécologique. On répondra ainsi à une demande locale par une offre locale, via des contrats entre agriculteurs et demandeurs de productions agricoles. Je pense notamment à l’agriculture périurbaine, le potentiel de production locale autour des grandes villes n’étant aujourd’hui pas suffisant pour répondre aux besoins, ne serait-ce que des cantines scolaires. L’offre agricole peut-elle concilier qualité et prix ? Il n’y a pas un, mais des consommateurs, qui veulent de la qualité, de la sécurité et une palette de possibilités sur les prix allant du luxe au produits de base. Oui, il faut encourager la qualité, mais je ne peux pas dire à un consommateur au Smic : « Achète du bio, c’est plus cher mais c’est pour ton bien. » Alors que 18 millions d’Européens sont en difficulté économique, il faut maintenir la diversité de l’agriculture et proposer une production de masse. Sinon, d’autres s’en chargeront ! Reste que je ne veux pas faire avec l’agroécologie ce que le Grenelle a fait avec le bio, en fixant un objectif de 20 % de production. J’essaie, à l’inverse, de diffuser cette démarche environnementale de manière horizontale, transversale et systémique.

Comment remédier à la méconnaissance réciproque des citoyens et des paysans ?

Par le discours politique. Quand on réussit à faire passer des messages, c’est une force. Je veux qu’on passe du débat réducteur « agriculteurs-consommateurs » à l’angle « agriculteurs-société ». Car outre les attentes des producteurs, qui veulent pouvoir vivre de leur travail, et celles des consommateurs, qui font des arbitrages qualité-prix, il y a aussi les demandes des citoyens : aménager le territoire en conciliant urbanisation et préservation des terres agricoles, promouvoir le rôle de l’agriculture dans le maintien de la biodiversité et contre le changement climatique, ainsi que dans la diminution de la consommation d’énergies fossiles et de molécules chimiques… Le rôle des politiques publiques est de répondre de manière équilibrée à ces trois attentes. —

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