A la Faute-sur-Mer, Xynthia a laissé derrière elle les stigmates de sa colère. La zone frappée par la tempête sonne le vide des maisons rasées, les mémoires vibrent au souvenir des disparus. « Sur les 29, j’en connaissais 15 », confie Renaud Pinoit, président de l’Association des victimes des inondations de la Faute-sur-Mer et de ses environs (AVIF). Sa maison à lui, à l’abri du centre-ville, n’a pas été touchée. Mais « on connaissait tous des gens qui habitaient la zone déconstruite. On est tous allés à des fêtes, à des anniversaires dans ce quartier. Ils ont rasé 500 maisons sur un village de 4 000, c’est beaucoup ! Alors quand on passe là-bas, on a le cœur gros. »
Cette nuit-là, entre le 27 et le 28 février 2010, la mer a englouti la terre et les gens ont péri, engloutis dans leur logis. Les choses seraient-elles différentes aujourd’hui ? L’alerte donnée plus tôt ? La protection plus efficace ? La Cour des comptes vient de rendre un rapport qui dresse le bilan des inondations imputables à Xynthia dans les départements de Vendée et de Charente-Maritime. Un texte accablant pour l’Etat. Construction dans des zones inondables, absence de plans de prévention, dispositifs d’alerte des populations insuffisants ou mal respectés, tous les ingrédients étaient là pour transformer une grosse tempête en catastrophe humaine et matérielle.
Des efforts… suffisants ?
Mais qu’a-t-on fait depuis ? Des efforts, certes, il y en a eu. « Des choses ont été faites en matière d’alerte. La moitié des communes a désormais des plans communaux de sauvegarde (PCS), c’est plus qu’avant la crise ! [1] Les digues ont été reconstruites ou consolidées. En Charente-Maritime par exemple, on a dépensé deux fois plus pour les digues en un an que pendant les dix années précédentes ! Les préfets sont désormais plus fermes pour délivrer des permis de construire, certains qui étaient en cours ont même été arrêtés » , énumère Cyrille Schott co-rapporteur du texte de la Cour des comptes. Suffisant ? Pas vraiment.A la Faute-sur-Mer, les digues ont bien été relevées d’un mètre par endroit. Mais ailleurs, la côte s’offre encore aux colères du ciel, vulnérable. A la Faute encore, le « Plan de prévention du risque d’inondation » (PPRI), chargé de délimiter les zones non constructibles, manque à l’appel. Il y a bien eu dans l’histoire de la commune un plan provisoire, imposé d’autorité par le préfet en 2008, mais devenu caduc en 2010. « Les gens ont besoin de savoir où ils habitent, ce que vaut leur maison, s’ils doivent construire un étage », insiste Renaud Pinoit. « On n’est pas très confiants sur les protections contre un deuxième coup de tabac comme Xynthia », résume-t-il.
Patienter ou pas
Dans le reste du département et dans celui voisin de la Charente-Maritime, si l’impulsion est là, « vous ne pouvez pas régler le problème en l’espace d’un ou deux ans quand certaines situations remontent à des années et des années », précise Cyrille Schott. Un tout nouveau système national d’alerte des populations a bien été inventé en 2008 mais ne devrait rentrer en vigueur qu’en 2013, laissant jusque-là les communes se débrouiller avec les moyens du bord : sirènes, camions-hurleurs ou alertes téléphoniques. L’adoption des PPRI se heurte toujours aux « oppositions locales, tant des habitants que des élus » selon le rapport.Enfin, de gros problèmes de gouvernance demeurent pour assurer la protection des communes. « Dans beaucoup de cas, les propriétaires des digues ne sont pas connus ou n’ont pas les moyens de les entretenir. La loi sur l’entretien des digues date de 1807, d’une époque où elles servaient à protéger les terres et où la maintenance revenait aux agriculteurs. Mais aujourd’hui, elles protègent des agglomérations. Les propriétaires des digues ne peuvent plus être les riverains ! » Identifier les propriétaires des digues, revoir les lois et la chaîne des responsabilité, tout cela, là encore, prendra du temps…
A la Faute-sur-Mer, on se prépare à sa manière. « On s’auto-protège, précise Renaud Pivoit. On est très vigilants sur la météo, les marées, les basses pressions. Dès qu’il y a un souci, les gens ne dorment pas. On se tient au courant. » Ils apprennent aussi du passé : « En 2010, on nous avait dit de rester calfeutré chez nous, c’était une erreur. Les gens sont décédés, coincés dans leur maison. A la prochaine tempête, ils partiront. »
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