« A10 ans, je regardais le général de Gaulle à la télé. » Serge Lepeltier a vite choisi son camp. Engagé en politique dès 1975 à l’UDR – qui devint le RPR l’année suivante –, ce fidèle chiraquien se présente pour la première fois aux législatives en 1978, alors qu’il n’a que 24 ans. Battu une nouvelle fois en 1997, il est recasé l’année suivante au Sénat. C’est à cette date que cet amateur invétéré de fonds sous-marins exotiques amorce sa mue écologique, selon le discours bien rodé qu’il tient à ses interlocuteurs.
« En voyant le désastre qui frappait les récifs de coraux aux Maldives, je me suis dit : “Tu ne peux pas faire de politique sans t’impliquer dans l’environnement ”. Au Sénat, j’ai très vite eu l’opportunité de rédiger un rapport sur le changement climatique. » Début 2002, le RPR l’envoie au Forum social mondial de Porto Alegre. « Chirac m’a dit : “ Il faut que tu y ailles pour ressentir les choses. N’hésite pas à t’exprimer sur la nécessité de règles sur la mondialisation, à participer aux débats ”. »
Lepeltier débarque alors au Brésil. « C’était surréaliste. J’étais au milieu de tous les candidats de gauche à la présidentielle. Je suis aussi tombé sur José Bové, qui m’a fait visiter le camp des sans-terre. » Lepeltier n’en oublie pas les piques aux socialistes : « On m’a raconté que François Hollande avait fait la même visite en mocassins et pendu à son téléphone. Je vous dis cela pour l’anecdote, pas parce qu’il est candidat. » En mars 2004, Serge Lepeltier succède à Roselyne Bachelot à la tête du ministère de l’Ecologie, et prépare la création d’un bonus-malus automobile.
Peu avant l’été, un conseil restreint à l’Elysée donne le feu vert et le dispositif est annoncé. Le lendemain, c’est la bronca chez les députés UMP. « Ça se passait au moment où Denis Baupin (adjoint chargé du développement durable à la mairie de Paris, ndlr) avait déclaré la guerre aux 4x4 dans la capitale, se souvient Serge Lepeltier. Les députés UMP parisiens ont dit que je soutenais le maire de Paris, Bertrand Delanoë. Il y avait une hargne inouïe. » Puis les députés de toute la France s’en mêlent. « Les élus de montagne sont montés au créneau pour défendre les 4x4. Je ne m’en suis pas remis. »
« Il a des convictions et c’est un vrai écolo »
Exit donc le bonus-malus. Exit aussi, quelques mois plus tard, Serge Lepeltier, à qui les élus ruraux reprochent de ne pas défendre les chasseurs. « Je souhaitais rester à mon poste, mais Dominique de Villepin (alors Premier ministre, ndlr) a pris soin d’écarter tous ceux qui avaient eu des problèmes avec les parlementaires UMP », regrette-t-il. Il se console en reprenant la mairie de Bourges, qu’il dirige toujours. « Nous avons fait pas mal de choses, notamment mis les bus au gaz naturel. »
Pour Bertrand Philippe, qui suit la municipalité depuis vingt ans pour le quotidien Le Berry républicain, Serge Lepeltier s’est forgé une image verte, surtout depuis la création, en 2005, d’un Festival du film d’écologie. « Mais il n’a pas de très bons rapports avec les écologistes locaux, qui lui reprochent de vouloir faire venir le TGV et de ne pas avoir chassé les voitures du centre-ville. » En février 2011, devenu membre du Parti radical (centre-droit), l’ancien ministre aux yeux bleu lagon est nommé par l’Elysée ambassadeur français en charge des négociations sur le climat. Il succède à Brice Lalonde, qui a rejoint l’ONU pour préparer la conférence Rio+20.
« Lepeltier n’a pas volé sa place. Il va bien faire le boulot, estime Yves Cochet, député Europe Ecologie - Les Verts et ex-ministre de l’Environnement lui aussi. Il a des convictions et c’est un vrai écolo, même si on n’a pas la même vision. » A quoi donc peut bien servir un ambassadeur pour les négociations climatiques, dont la messe annuelle se déroule à Durban à partir de fin novembre ? « Ça consiste surtout à guider politiquement les négociateurs, affirme Brice Lalonde. Dans le passé, il est arrivé qu’ils fassent des bourdes. »
Serge Lepeltier a vite compris le job. « Il faut faire en sorte que la ministre arrive à Durban parfaitement informée de l’état des discussions. Avec Nathalie (Kosciusko-Morizet, ndlr), ce n’est pas si difficile, car elle connaît le dossier comme sa poche. » Pour Serge Lepeltier, Durban n’apportera rien de spectaculaire. « Mais c’est une étape importante pour la suite. Il faut d’abord appliquer les accords de Cancún, notamment la mise en place du Fonds climat. Il sera également nécessaire que soit donné à l’ONU un vrai mandat de négociation pour obtenir, à terme, un accord global et juridiquement contraignant sur les émissions de gaz à effet de serre. »
Et ce n’est pas gagné. C’est pourtant la condition posée par l’Union européenne pour Durban : faute de mandat, elle ne prolongera pas Kyoto au-delà de 2012. « Même si, comme toute négociation, cela passe par des hauts et des bas, j’ai le sentiment qu’on peut y arriver », confie Serge Lepeltier.
Un emploi du temps casse-tête
L’homme, entre deux réunions avant le sommet, retrouve sa ville de Bourges. Maire et ambassadeur, deux activités compatibles ? « Quand il avait des responsabilités à Paris, il a toujours su gérer son calendrier », reconnaît Bertrand Philippe qui s’agace de cette « question parisianiste ». Pour Yves Cochet, en revanche, « la fonction d’ambassadeur demande qu’on y consacre plus qu’un temps plein ». Serge Lepeltier concède qu’il n’avait pas complètement pris la mesure de sa nouvelle mission. « Mon emploi du temps est un véritable casse-tête, mais je suis très bien entouré à Bourges. C’est important de garder cette implantation locale, ça permet de voir concrètement ce qu’un accord donne sur le terrain. » Quand on vous dit que le discours est rodé.
En dates
1953 Naissance au Veurdre, dans l’Allier
1975 Adhère à l’UDR (qui devient RPR en 1976)
1976 Diplômé de HEC
1995 Elu maire de Bourges pour la première fois
1998-2004 Elu sénateur du Cher
2002 Se rend au Forum social mondial de Porto Alegre
2004-2005 Ministre de l’Ecologie
2011 Ambassadeur du climat
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