Pour le Japon, le 11 mars 2011 n’est pas seulement synonyme de tremblement de terre, tsunami et catastrophe nucléaire. Avec Fukushima, c’est aussi une faille béante qui s’est créée dans les finances publiques nippones. Montant estimé de la reconstruction du pays : pas moins de 18 000 milliards de yens, soit 186 milliards d’euros, d’après la banque mondiale. Focalisé sur la tâche, le Japon ? Pas vraiment. Alors que des dizaines de milliers de victimes s’interrogent toujours sur leur avenir, attendant d’être relogées ou de retrouver des terres agricoles de substitution, leur gouvernement n’a pas rechigné à octroyer 2,28 milliards de yens (22 millions d’euros)... à la protection de sa flotte de navires dédiés à la chasse baleinière.
« Un programme inutile, indésirable et pas viable »
« C’est absolument honteux de la part du gouvernement japonais de pomper encore plus l’argent des contribuables pour un programme de chasse à la baleine inutile, indésirable et qui n’est pas viable économiquement. Et ce alors que des fonds sont désespérément nécessaires pour les efforts de reconstruction de Fukushima », a indiqué Junichi Sato, le directeur exécutif de Greenpeace Japon, dans un communiqué. « Le Japon ne peut pas accepter de gaspiller de l’argent dans la chasse à la baleine en Antarctique alors que sa population est en train de souffrir à la maison. »
L’annonce même du retour prochain des baleiniers dans les eaux polaires, faite début octobre par le ministre nippon de la Pêche, avait déjà créé la surprise. Les ONG avaient un temps espéré que les difficultés actuellement traversées par le Japon le détourneraient de cette activité, dite scientifique. Même le ministère français des Affaires étrangères s’en était ému, demandant, le 4 octobre dernier, au Japon de cesser ses activités de chasse à la baleine (devant reprendre dans les prochaines semaines) et réaffirmant son opposition à cette chasse.
Tour de passe-passe financier
Pire, cette décision a donc été suivie d’une autre : l’acceptation d’une demande émise par l’agence japonaise de pêche, baptisée « mesures de stabilisation du programme de recherche scientifique sur la pêche à la baleine », et qui s’est traduite par le versement du montant exorbitant de 2,28 milliards de yens (21,5 millions d’euros), au titre de la défense de la flotte baleinière. Selon Sea Sheperd, l’association dirigée par le capitaine Paul Watson et qui engage tous les ans un véritable bras de fer en mer contre les Japonais pour défendre les cétacés, le gouvernement japonais aurait même usé d’un drôle de tour de passe-passe pour débloquer ces fonds, alors que le programme de pêche à la baleine souffre d’un déficit chronique de financements. « Le 21 octobre 2011, le ministère japonais a autorisé une provision de 2,28 milliards de yens (21,5 millions d’euros) de recettes fiscales, destinée à aider les personnes vivant dans les régions les plus touchées », note l’ONG dans un éditorial, remarquant l’étonnante correspondance entre cette somme et celle attribuée quelques jours plus tard au programme baleinier. « La raison invoquée pour justifier ce financement est l’appartenance de certains chasseurs travaillant sur les baleiniers de cette flotte aux communautés touchées par le séisme et le tsunami », affirme l’association.
Des doutes sur les plans de reconstruction
Le procédé indigne les ONG japonaises. « Le Japon s’est vu offrir des aides variées de la part de gouvernements, d’ONG et du secteur privé du monde entier. Si nous dépensons nos impôts pour le programme baleinier qui n’est déjà pas compris par la communauté mondiale, la communauté internationale va avoir d’autant plus de doutes quant à l’attitude et au sérieux du gouvernement japonais vis-à-vis de ses plans de reconstructions », ont-elles écrit conjointement, dans une lettre adressée au Premier ministre japonais, Yoshihiko Noda.
La chasse à la baleine est interdite depuis 1986, mais Tokyo, qui a accepté le moratoire international relatif à cette question, ne s’en auto-attribue pas moins un quota de pêches de 1000 cétacés, pour raisons scientifiques. Le but de ce programme, baptisé Jarpa ? Collecter des informations sur les stocks de baleine, afin de faire plier le moratoire... et reprendre à terme la chasse commerciale durable.
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