31 janvier 2007 : Ségolène Royal est la première des dix candidat(e)s à l’élection présidentielle à signer, devant un parterre de responsables d’ONG, réunis au musée du Quai Branly à Paris, le « Pacte écologique ». Un contrat moral défendu par Nicolas Hulot, qui a permis de placer l’urgence environnementale au cœur de la campagne et qui permettra, après l’élection, d’ouvrir le Grenelle de l’environnement. Le Pacte écologique comporte des objectifs et des « propositions concrètes ». La première d’entre elles est rédigée en ces termes : « (…) Nous préconisons la création d’un poste de vice-Premier ministre en charge du développement durable, c’est-à-dire avec la responsabilité d’assurer cette dimension dans tous les choix politiques. Numéro 2 du gouvernement, il élaborera et veillera sur la feuille de route de chaque ministère dont l’action concourt au développement durable ».
Elu, Nicolas Sarkozy ne procèdera pas à la création d’un poste de vice Premier ministre. Non qu’une révision de la Constitution était nécessaire. Le chef de l’Etat préfèrera cependant nommer un poids lourd de la majorité – Jean-Louis Borloo – à la tête d’un « super ministère » regroupant bien des administrations compétentes en matière de développement durable. Ministre d’Etat, numéro 2 du gouvernement, Jean-Louis Borloo fera souvent avancer le Grenelle et ses dossiers en passant au-dessus du Premier ministre pour accéder directement à l’Elysée.
Jeu médiatique
31 mars 2014 : Manuel Valls est nommé Premier ministre par François Hollande. Très vite, la presse et notamment la presse étrangère, se passionne pour le grand retour de Ségolène Royal. Et ce retour se fait à l’hôtel de Roquelaure, siège du ministère de l’Ecologie. Dès le premier jour suivant sa nomination, Ségolène Royal attire l’attention et les caméras. En suscitant la polémique tout d’abord. Des propos sur la « remise à plat » du dossier de l’écotaxe offrent à certains Verts l’occasion de taper sur la nouvelle ministre qui, en retour, les rejette dans le camp de « l’écologie punitive ». Le 2 avril, alors que le Premier ministre intervient pour la première fois à la télévision en cette qualité sur le plateau de TF1, la ministre de l’Ecologie en fait de même sur France 2. Le 6 avril, alors que le Premier ministre n’a pas encore prononcé son discours politique générale devant les députés, Ségolène Royal bouscule encore la tradition en s’exprimant sur la plupart des sujets, au cours d’une grande émission de radio. A l’évidence, Manuel Valls n’est pas seul au centre du jeu médiatique et pourrait ne pas être seul au centre du gouvernement.
La question est donc posée : Ségolène Royal ne va-t-elle pas devenir, même sans en avoir le titre, un « vice-Premier ministre », chargé du développement durable ? D’aucuns objecteront tout de suite que le ministère qui lui est dévolu est moins puissant que celui piloté de 2007 à 2010 par Jean-Louis Borloo. C’est exact. Le ministère de Ségolène Royal ne comprend pas dans son périmètre l’aménagement du territoire, l’urbanisme ou bien encore la négociation climat. L’administration de l’énergie et celle des transports sont toutefois restées sous la tutelle de la ministre de l’Ecologie. Laquelle va se retrouver très rapidement à la tête d’un nombre conséquent de chantiers qui seront autant d’occasions de prendre la parole, notamment devant les parlementaires, et d’imposer une analyse : remise de rapports parlementaires sur l’écotaxe, projets de loi sur la biodiversité, la transition énergétique, le code minier et les OGM, préparation du paquet européen énergie climat 2030, etc.
Ecologie populaire
Et nul ne peut en douter, a fortiori après avoir écouté la nouvelle ministre de l’Ecologie ce dimanche soir : celle-ci s’exprimera – même avec prudence – sur bien d’autres dossiers que ceux relevant strictement de son portefeuille. En définitive, l’ancienne candidate à l’élection présidentielle est plus qu’un ministre, plus qu’un numéro trois du gouvernement. Peu devraient lui contester l’importance de son expression.
Cette situation profitera-t-elle à l’écologie ? Question complexe car tout dépend de la conception de l’écologie de celui qui la pose. Ségolène Royal a en effet une tâche délicate à accomplir : démontrer que le parti socialiste peut s’approprier la question de la transition écologique et énergétique sans les Verts. Une tâche bien différente de celle de son prédécesseur qui, lui, était appelé à prévenir les conflits avec les alliés écologistes, présents au sein même du gouvernement. Lesquels alliés d’hier pourraient se montrer demain très critiques envers l’action de celle qui traite d’écologie au gouvernement. Au demeurant, en prenant sans délai position contre « l’écologie punitive » et pour « l’écologie populaire », Ségolène Royal ne semble pas vouloir consacrer trop d’énergie à rallier les Verts à son drapeau.
Ségolène Royal a une obligation de résultat. Si elle y parvient, ce que je souhaite, l’idée d’un « vice-Premier ministre » pourrait être crédibilisée et l’écologie pourrait alors être à l’origine d’un évolution institutionnelle importante.
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