Chaque fois que Maud Fontenoy s’exprime, elle dit vouloir défendre une écologie « raisonnable », « modérée ». Et puis, sous couvert de pragmatisme, elle se met à défendre les intérêts des industriels plutôt que ceux de la planète (OGM, diesel, gaz de schiste…).
La nouvelle déléguée à l’Environnement de la commission exécutive du parti Les Républicains est ainsi devenue l’un des rares sujets à faire l’unanimité dans la famille écologiste. Les tacles viennent de droite comme de gauche.
Corinne Lepage, ancienne ministre du gouvernement Juppé, se moquait récemment dans Les Inrocks : « Je ne vois pas ce qu’elle a d’écolo en dehors du fait qu’elle a été navigatrice et qu’elle aime les océans. Soit. C’est très bien, et alors ? » Tandis qu’Isabelle Autissier, la présidente du WWF-France, dénonçait dans Terra eco : « C’est un peu triste, son discours fait les choux gras des médias en donnant l’impression de mettre les pieds dans le plat. Ce n’est pas un problème qu’elle soit proche de l’UMP, mais qu’elle ait de vraies propositions environnementales et on en reparle. »
Ce mercredi matin, sur France Inter, Maud Fontenoy a récidivé. Sauf qu’elle a en prime multiplié les erreurs manifestes. Voilà donc trois corrections qui s’imposent.
Maud Fontenoy : "J’essaie de porter une... par franceinter
« Le Circ dit qu’il faut rester très, très prudent » sur le Roundup. Non, il n’a jamais dit ça.
Interrogée sur le coup de com’ de Ségolène Royal à propos du Roundup – la ministre a déclaré dimanche souhaiter l’interdiction de la vente de l’herbicide le plus vendu au monde –, Maud Fontenoy a répondu ce mercredi matin :
« J’ai lu un petit peu quelques études, c’est le Centre international de recherche sur la cancer (Circ) qui a fait quelques études là-dessus en disant qu’il fallait rester très, très prudent. Les études sont très controversées, je pense qu’il faut se plonger sur ce dossier de manière intelligente et savoir si réellement il est cancérigène. Si c’est le cas, il faut l’interdire partout, si ce n’est pas le cas, il faut l’interdire nulle part. »
L’ancienne navigatrice fait au mieux preuve d’une grande légèreté sur le sujet. Comme nous vous l’expliquions en mars, le Circ n’a pas réalisé une simple étude sur le glyphosate, le principal ingrédient du Roundup et la clé de voûte de l’agriculture moderne. Cet organisme, créé par l’Organisation mondiale de la santé, a publié ce qu’il appelle une « évaluation », le résultat d’un travail d’un an mené par dix-sept experts internationaux indépendants qui ont recensé l’ensemble des études scientifiques sur le sujet.
La nuance est de taille : il ne s’agit pas de produire une nouvelle étude qui pourrait effectivement nourrir la controverse, il s’agit de faire un bilan de l’état de la recherche. Nicolas Gaudin, directeur de la communication au Circ, nous avait détaillé en mars : « Nos évaluations correspondent à une méthodologie très précise. Nous appliquons les mêmes méthodes de travail depuis quarante ans, et nos évaluations sont utilisées comme références depuis 40 ans par les gouvernements du monde entier. »
Dans son évaluation, donc, le Circ a décidé de classer le glyphosate comme « probablement cancérogène ». Il s’agit de la catégorie 2A, juste en dessous du seuil « cancérogène certain ». Pour comparaison, les formaldéhydes, ces biocides dont la mise sur le marché est interdite en France depuis 2012, sont eux aussi classés en 2A. Les bitumes routiers, qui ont valu la condamnation en 2012 d’une filiale de Vinci après la mort d’un employé atteint d’un « cancer du bitume », ne sont classés eux que dans la catégorie 2B, c’est-à-dire « cancérogènes possibles ».
Certes, le Circ ne s’exprime pas sur l’évaluation du risque encouru actuellement par les populations exposées. Mais il a rappelé dans son évaluation que l’on trouve du glyphosate partout, dans l’air que l’on respire, dans l’eau que l’on boit et dans la nourriture que l’on mange produit.
La publication du Circ n’avait donc aucunement pour but d’inviter à la prudence. En insistant sur une prétendue controverse, Maud Fontenoy fait le jeu des industriels et leur stratégie de Fabrique du mensonge (livre de Stéphane Foucart. Denoël, 2013).
« On ne peut pas, par principe, arrêter la recherche » sur les gaz de schiste Ça tombe bien, ce n’est pas le cas en France.
Interrogée par Léa Salamé sur les gaz de schiste, Fontenoy a rétorqué : « Sur la question des gaz de schiste, il faut aller sur de la recherche, on ne peut pas, par principe, arrêter la recherche. »
Là encore, la parole de Maud Fontenoy se confond avec celle du patronat. Et là encore, les propos de l’ancienne navigatrice sont erronés. Car en France, la recherche sur les gaz de schiste continue. Depuis l’interdiction de la fracturation hydraulique en France, en 2011, les industriels du secteur ne se sont pas cachés de tenter de localiser du pétrole « pour lequel les techniques de production […] sont interdites ».
Pourquoi ? « Ils veulent montrer à leurs actionnaires qu’ils sont dans la valorisation d’actifs. Ils font le pari qu’un jour, la France changera d’opinion. Ils essaient de préempter les sites pour éviter la concurrence », expliquait à Terra eco Arnaud Gossement, avocat en droit de l’environnement, en 2013. Même si depuis plusieurs déconvenues ont frappé ces industriels, des alternatives sont étudiées. Notamment l’exploitation des hydrocarbures de schiste sans fracturation hydraulique.
« Il y a des diesels qui ne polluent pas » Ah bon ?
Sur le diesel, Maud Fontenoy a répondu assez longuement : « Cette question du diesel est passionnante parce qu’on a fait beaucoup d’amalgames, on a mélangé les voitures diesels d’anciennes génération qui polluent énormément et les voitures diesels de nouvelle génération, qui ont des filtres à particules et qui polluent moins que les voitures à essence. On a encouragé les Français à acheter du diesel parce qu’il pollue moins, il émet 20% de CO2 en moins et consomme 25% de carburant en moins. Aujourd’hui, on leur dit l’inverse, il est difficile de s’y retrouver. La décision de la maire de Paris vient des pics de pollutions aux particules fines. Quand il y a un 80 microgrammes de particules fines dans l’air, on considère qu’il y a un pic de pollution. Quand vous êtes dans vos rames de métro, vous pour venir ce matin au travail, vous avez environ 200 microgrammes de particules fines […]. Il faut arrêter de culpabiliser les Français, leur donner des solutions alternatives, quelqu’un qui doit venir travailler à Paris doit venir à travailler à Paris, il y a des diesels qui ne polluent pas, il y a des filtres à particules fines, il faut dire la vérité, il faut aider à mettre des filtres à particules ou à changer de véhicule. »
Là encore, on croit entendre la parole des représentants de l’industrie auto. Certes, les nouvelles normes et l’installation de filtres à particules – obligatoire sur les véhicules neufs depuis 2013 – ont permis de réduire de beaucoup les émissions des nouveaux véhicules diesel.
Sauf qu’il y a plusieurs « mais », qu’on peut lister ainsi :
Les normes mettent bien longtemps à être suivies d’effets. Selon l’Ademe, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, il faut 25 à 30 ans pour arriver à un renouvellement du parc. Ainsi, un quart des diesels qui circulent aujourd’hui datent d’avant 2000 et émettent encore de grandes quantités de particules fines ;
Une partie des automobilistes détruisent volontairement leur filtre à particules pour éviter de le remplacer, comme l’a montré l’émission « Cash Investigation » en 2013 ;
Les filtres à particules ne filtrent… que les particules. Alors que les moteurs diesels émettent aussi beaucoup d’autres polluants, les oxydes d’azote notamment. Des oxydes d’azote (NOx) que l’on retrouve d’ailleurs dans la liste des principaux polluants de l’air intérieur des logements en milieu urbain ;
Les filtres à particules ont certains inconvénients, rappelait en mars LeMonde.fr : « Selon l’Agence française de sécurité sanitaire (Anses) dans un rapport en 2009, leur installation associée à un catalyseur d’oxydation (pour abaisser la température nécessaire à la combustion des particules) a entraîné une hausse des émissions de dioxyde d’azote (NO2) » ;
Les mesures des émissions de particules fines ne sont pas très fiables, indiquait également LeMonde.fr dans le même article, citant un rapport du Joint Research Centre : « Il existe une très grande divergence entre les émissions mesurées sur le cycle d’essai réglementaire et les émissions mesurées pendant l’usage réel : les paramètres du véhicule (réglages du moteur et aérodynamisme) sont optimisés pour offrir les meilleurs résultats lors des tests, mais ils diffèrent grandement en conditions réelles, avec des vitesses de conduite qui changent brusquement, un état des routes variable et des véhicules qui ne sont pas neufs. »
Maud Fontenoy ne s’embarrasse pas de ces nuances, ce qui n’a pas manqué de faire réagir ce jeudi. Et c’est probablement tout ce qu’elle recherchait.
Cet article a initialement été publié sur Rue89 le 17 juin 2015
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