Pour le Roundup, l’heure de vérité a sonné. A la fin de l’année 2015, la substance active de cet herbicide, le glyphosate, verra son autorisation européenne expirer. D’ici là, Bruxelles doit se prononcer sur un potentiel renouvèlement. « Le moment est crucial : avec une nouvelle autorisation, on est repartis avec ce produit pour les dix prochaines années », alerte Ingrid Kragl, directrice de l’information au sein de Foodwatch, une association de vigilance sur les produits alimentaires. Le 26 août, l’ONG a donc lancé une pétition, adressée à Bernhard Url, directeur exécutif de l’Efsa, l’Autorité européenne de sécurité des aliments, pour demander un non renouvèlement. En France, la Ligue contre le cancer s’y est associée.
« Cancérogène probable »
Car l’herbicide le plus épandu au monde inquiète. En mars dernier, le Circ (Centre international de recherche sur le cancer) classait le glyphosate dans la catégorie des « cancérogènes probables », le dernier stade avant celui de « cancérogène certain ». Une décision qui avait entraîné la contre-attaque des industriels. Le produit est également suspecté d’être un perturbateur endocrinien. Sans compter qu’il pourrait favoriser une résistance aux antibiotiques
Ces craintes en tête, faut-il continuer à épandre massivement la substance, présente dans 30 désherbants commercialisés en Europe par 400 entreprises, dans les champs, jardins et espaces verts du continent ? Foodwatch milite pour un « non » catégorique, demandant « l’application stricte du principe de précaution, présent dans les textes européens, qui permet d’interdire toute substance dès lors qu’elle est potentiellement dangereuse pour la santé ». La position de la Commission européenne est moins tranchée. Avant de prendre une décision, celle-ci consulte l’Efsa qui, elle-même, base son avis sur celui d’un Etat-rapporteur, en l’occurrence celui de l’Allemagne – terre d’origine des géants de la chimie Bayer et BASF –, via son institut fédéral d’évaluation des risques, le BfR.
Conflits d’intérêts
A rebours des inquiétudes du Circ, ce rapporteur se veut rassurant. « Les données disponibles ne montrent pas de propriétés cancérigènes ou mutagènes du glyphosate ni la toxicité du glyphosate sur la fertilité, de reproduction et de développement fétal », estime le BfR dans son ébauche de rapport. Comment expliquer des sons de cloches aussi différents ?
Au sein de Foodwatch, Ingrid Kragl a sa petite idée. « Le processus de réévaluation est une farce : plusieurs experts du BfR sont en effet directement salariés par des géants de l’agrochimie ou des biotechnologies », commente-t-elle. Un coup d’œil à la composition du comité du Bfr travaillant sur les pesticides et leurs résidus confirme. Deux salariés de l’entreprise BASF, un de Bayer : sur les 12 personnes qui composent le comité, un quart travaille directement pour des fabricants de pesticides. A l’inverse, « les scientifiques membres du CIRC sont sélectionnés sur l’absence stricte de conflits d’intérêts avec l’industrie », expliquait Le Monde en mars dernier. A l’époque, l’alerte de ces scientifiques, portée par l’OMS, n’avait déjà pas convaincu les rapporteurs allemands. Bizarrement…
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