A quelques kilomètres de l’autoroute de Normandie, des champs de céréales à perte de vue. Pas un arbre, pas une haie, pas même un agriculteur. Puis le paysage se resserre, se fait plus ombragé, plus boisé. Des maisons normandes au toit d’ardoises se succèdent, avec chacune leur bout de jardin. La route est étroite, caillouteuse, boueuse. Et débouche sur la ferme de la mare des Rufaux. A gauche, un sous-bois de chênes, de hêtres et de châtaigniers qui craquent. A droite, 300 arbres fruitiers – pommiers, pruniers, poiriers… –, sous lesquels s’épanouissent courges, betteraves, carottes, fraises, framboises, etc. Un peu plus loin, quatre serres luxuriantes abritent les derniers légumes estivaux. Le chant des oiseaux couvre l’écho, lointain mais continu, des voitures. C’est là que se sont installés Edouard Stalin et Linda Bedouet en 2012. Sur trois hectares de terres à la sortie de Bouquetot, petit village d’un millier d’habitants situé dans l’Eure, à une trentaine de minutes en voiture de Rouen, ils cultivent 180 variétés de fruits, de légumes et de plantes aromatiques. Ils sont maraîchers biologiques – les seuls à 15 kilomètres à la ronde –, ou simplement « paysans », mais surtout pas « exploitants », ils y tiennent.
Alors que le mois de septembre touche à sa fin et que les derniers rayons de soleil bataillent avec l’automne, la récolte bat son plein. Le couple de trentenaires prépare les paniers pour livrer, le soir même, les adhérents de l’Amap (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne) de Rouen et, le lendemain, ceux du coin, lors d’une distribution à la ferme. Au menu : tomates anciennes de toutes les couleurs, courge spaghetti, poireaux, pommes de terre, chou-fleur, oignons rouges, bouquet de basilic. « L’idée est de varier les plaisirs, de proposer des légumes différents chaque semaine », précise Linda, grande brune à la voix douce, au sourire franc et aux ongles longs noircis par la terre. Depuis trois ans, leur but est de « nourrir les gens d’ici ». Simplement et sainement.
L’histoire de ce couple s’égrène comme une suite de petites histoires. Le « destin », répète Edouard à de nombreuses reprises, comme s’il n’en revenait toujours pas. Le « destin », d’abord et surtout, de s’être rencontrés. C’était en 2011, lors d’un stage dans une ferme. Pas n’importe laquelle, celle du Bec-Hellouin, à une trentaine de kilomètres de Bouquetot, la référence en termes de permaculture, cette agriculture responsable en plein essor. Cette démarche globale permet de produire de grandes quantités de fruits et de légumes sur une petite surface, en créant des écosystèmes riches et autofertiles. Le travail du Bec-Hellouin est suivi, depuis quatre ans, par l’Inra (Institut national de la recherche agronomique), qui indique qu’il est possible de dégager 32 000 euros de chiffre d’affaires sur une surface cultivée de 1 000 mètres carrés. Des chiffres sur lesquels Linda Bedouet et Edouard Stalin sont très réservés. « Selon nous, le modèle n’est viable que si une personne cultive au moins 10 000 mètres carrés », avance Linda. Qu’importe, le Bec-Hellouin attire aujourd’hui de nombreux visiteurs, stagiaires et citadins aspirant à un changement de vie.
« Un peu caissière, un peu mannequin, un peu prof de salsa »
Il y a quatre ans, Linda était de ceux-là. Parisienne, elle est alors présidente de l’Amap qui distribue les légumes du Bec-Hellouin dans la capitale. « C’était pour moi une échappatoire, une manière d’agir, à mon niveau », se souvient-elle, K-way violet sur le dos et bottes aux pieds, s’affairant sous la serre des tomates – « ses bébés » –, inquiète des premières notes d’humidité qui pourraient les rendre malades. La jeune femme a alors 30 ans. Elle vient de reprendre des études en développement durable – et se rend compte du « poids de l’agriculture dans le dérèglement climatique, dans les émissions de gaz à effet de serre… » (2) –, après avoir démissionné d’un job dans l’immobilier. « Mon boulot était de développer des magasins d’optique. J’ai appris les techniques de la négociation commerciale… De la haute voltige ! Mais au bout d’un moment, je me suis demandé à quoi servait ma vie, mon énergie », explique-t-elle. (…)
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