En 2007, Ségolène Royal, candidate socialiste, promettait de « faire de la France le pays de l’excellence environnementale » tandis que son adversaire de l’UMP, le futur président Nicolas Sarkozy, se prononçait pour un Grenelle de l’environnement, une taxation de la pollution ou la promotion d’un droit international de l’environnement, tout en rendant hommage aux ONG, intronisées « moteur de notre prise de conscience ».
Tous les prétendants se devaient alors de montrer patte verte : quelques mois avant l’élection, 10 petits et grands candidats signaient main sur le cœur le Pacte écologique de Nicolas Hulot, fort de ses 700 000 signatures populaires. A l’époque, un meeting de l’éphémère candidat-animateur rassemblait 5 000 personnes et une manifestation d’Alliance pour la planète, une coalition des plus grandes ONG écologistes créée à l’occasion de cette campagne, comptait plusieurs milliers de personnes.
Le cœur n’y est pas
Cinq ans plus tard, l’euphorie est retombée. Le 28 janvier, la grand messe de France nature environnement (FNE) rassemblait certes plus de 3 000 militants venus écouter les professions de foi écologiques de 7 candidats déclarés mais, pour la plupart des candidats, le traitement de la question environnementale s’est arrêté aux portes du palais des congrès de Montreuil. Dans les coulisses, ONG environnementales et équipes de campagne – du moins celles des candidats ayant une représentation parlementaire – continuent à discuter mais, chez plusieurs associations, le cœur n’y est plus. Que s’est-il passé ?« L’absence des ONG dans la campagne est assez frappante. Nous ne sommes plus du tout dans la même dynamique qu’en 2006-2007. C’est comme si elles avaient baissé les bras », constate Daniel Boy. Le politologue du Cevipof, spécialisé dans les mouvements environnementaux, n’est certainement pas très loin du compte, du moins en ce qui concerne certaines associations. Chez les Amis de la Terre notamment, l’ambiance est plutôt morose. L’association qui avait activement participé aux actions d’Alliance pour la planète en 2007, avoue avoir « un moral plutôt en berne » et – mis à part sa participation aux « 7 mesures clés pour engager la France dans la transition énergétique » du Réseau action climat - déclare avoir renoncé à s’impliquer dans cette campagne.
« Cela demande une énergie folle pour des résultats largement insuffisants », justifie Caroline Prak à la communication. Parmi ceux-ci, les espoirs déçus du Grenelle, « dont le bilan est chaque jour un peu plus négatif », estime Martine Laplante, la présidente du mouvement. Qui n’a d’ailleurs pas souhaité se joindre à la réunion organisée sur le sujet début février entre le Président-candidat et les ONG. D’autres, comme le WWF, semblent être aux abonnés absents. Quant à l’Alliance pour la planète, elle a disparu de la circulation…
Une « autre époque »
Parmi les raisons invoquées : la crise économique, qui met l’écologie au rang des préoccupations secondaires, notamment des médias, et ce même si les associations et partis écologistes tentent de montrer le lien entre les deux. Mais aussi le recul progressif de l’ex-candidat devenu Président et à nouveau candidat, Nicolas Sarkozy, sur ses anciennes promesses environnementales, mises en lumière par les déclarations médiatiques du salon de l’agriculture en 2010 « l’environnement ça commence à bien faire ! » ou plus récemment lors de ses vœux au monde rural, sur « l’aspect tatillon » des règles environnementales. Et plus généralement la déception engendrée par l’échec de Copenhague. La conférence onusienne sur le climat de 2009 avait en effet entraîné une mobilisation de la population sans précédent grâce à l’implication des ONG…suivie par une déclaration des chefs d’Etat bien en-deçà des attentes. « Il ne faut pas non plus sous-estimer le mal qu’on fait les climato-sceptiques, ceux que l’on appelle aux Etats-Unis "les marchands de doutes" », souligne Benoît Faraco, le porte-parole de la Fondation pour la nature et l’homme (FNH). La population – et même parfois les militants – est aujourd’hui plus difficile à mobiliser.A la FNH justement - anciennement Fondation Nicolas Hulot- on ne regrette pas d’avoir été « optimiste » en portant l’idée du Pacte écologique en 2007. Mais l’opération de communication de la dernière élection présidentielle ne sera pas réitérée cette année. « D’abord, parce que c’est inhérent aux stratégies de communication : ce qui marche une fois ne marche pas deux fois », souligne Benoît Faraco.
Et l’échec de Nicolas Hulot à la Primaire EELV n’y est pas non plus étranger, reconnaît-il : « Bien sûr, cela nous a interrogé et a influencé notre stratégie pour 2012, car à l’époque il a été un élément important du rapport de force. » Un constat partagé par l’ensemble des ONG, même si les suites du Pacte ont forcément déçu : « En 2007, si les ONG étaient plus présentes, c’est aussi qu’il y avait une locomotive appelée Nicolas Hulot. Derrière, nous avons tous pu jouer notre partition et pendant le Grenelle qui a suivi, c’est ainsi que nous avons pu imposer la question de la trame verte et bleue », avoue Christophe Aubel, le directeur de la Ligue ROC, qui lutte pour la préservation de la faune sauvage.
Un dialogue qui reste cependant nécessaire
Eva Joly et sa conseillère Sandrine Bélier le reconnaissent : « C’est souvent des ONG que les idées prennent leur source. Pour cette campagne, nous avons repris beaucoup de leurs propositions. Le principe de non-régression des mesures environnementales vient de l’association des juristes de l’environnement de Michel Prieur et de la FNE, l’idée d’une " zéro artificialisation nette " de la FNE également, et nous avons aussi beaucoup emprunté à Greenpeace et Négawatt sur les questions de transition énergétique. »Et dans les autres partis ? Lors du congrès FNE notamment, les candidats étaient invités, non pas à signer un texte en bloc comme ils le faisaient pour le Pacte, mais à « piocher des propositions » à l’intérieur de l’Appel des 3 000, sorte de manifeste de l’association. « Cela nous semblait plus raisonnable, explique Benoît Hartmann, le porte-parole de la FNE. Chacun peut s’approprier les idées mises sur la table et y ajouter sa propre touche. On est dans un dialogue constructif ».
A part le nucléaire, point d’écologie
Le résultat, plus ou moins dévoilé lors des quinze minutes de discours des candidats le 28 janvier dernier, n’était certes pas à la hauteur des espérances de la fédération, mais Bruno Genty, son président, voulait tout de même y voir « un début d’appropriation des concepts » par les candidats. « On voit qu’on a travaillé avec eux », appuyait-il. De même à la Ligue ROC, qui a envoyé un questionnaire extrêmement pointu aux différents candidats en novembre dernier, Christophe Aubel se réjouit de voir que, tout comme aux dernières régionales, la plupart des partis ont pris la peine de répondre. « Nous avons posé 31 questions très précises et techniques qui nécessitaient le conseil d’experts. Cela les a obligés à réfléchir à la question », souligne-t-il. Et « si en 2007, il s’agissait surtout de faire émerger le sujet de la biodiversité dans le débat et la prise de conscience chez les candidats », aujourd’hui les prétendants se « doivent d’apporter des réponses, qui seront considérées comme des engagements ».Contrairement à 2007 cependant, les ONG semblent s’être bien gardées de noter les candidats, à l’image de ce qu’avait pu faire Alliance pour la planète. Seul Greenpeace, qui a focalisé cette année sa stratégie autour des questions énergétiques et particulièrement du nucléaire, a mis en ligne « un stress test » des candidats dès août 2011 mais essentiellement sur ces problématiques. Or c’est aussi ce que regrettent plusieurs ONG environnementales : « La présidentielle est totalement hors écologie. La seule chose qui s’y rapporte dans cette campagne, c’est le nucléaire. Mais les autres sujets, on n’en parle pas », déplore notamment Martine Laplante. Beaucoup de dirigeants d’associations se disent « atterrés » par le niveau environnemental de la campagne. « On croyait que nos actions avaient changé la donne mais on a l’impression que, dans cette campagne, les politiques sont revenus dix ans en arrière », conclut Benoît Faraco.
Cet article de Béatrice Héraud a initialement été publié le 23 février 2012 sur Novethic, le site expert du développement durable.
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