Lourde est la responsabilité des écologistes engagés aux quatre coins du globe dans la lutte contre l’exploitation des gaz de schiste. Ce combat, ils ne peuvent pas le perdre. Sinon ? La nécessaire et vitale transition énergétique à opérer au cours des prochaines décennies se verra reportée ou – pire ! – effacée du logiciel de pensée des décideurs.
Un constat clair comme de l’eau de roche
Si le catastrophisme à outrance est inutile, les enjeux doivent être clairement énoncés et connus de tous. Il suffit pour cela de consulter le modèle de projection révélé dans le dernier rapport du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) : les températures du globe pourraient augmenter de 1,4 à 5,8°C selon les politiques climatiques qui seront mises en place au niveau mondial.
Il est difficile de comprendre ce que de tels chiffres impliquent… Pourtant, ils présagent de terribles effets en termes d’accès à l’eau potable, avec une montée du niveau des mers, une baisse des rendements agricoles, une disparition importante du vivant, une répétition des feux de forêts, des réfugiés climatiques par millions… Bref, un avenir que l’on ne peut souhaiter à personne, et encore moins à nos enfants.
Une prise de conscience effrayante
C’est en me rendant aux Etats-Unis cet été, et au Texas notamment, que j’ai réalisé à quel point la découverte de nouvelles ressources de gaz non conventionnel – emprisonnées depuis des dizaines de millions d’années dans du schiste profondément enfoui sous nos pieds – repousse de plusieurs dizaines d’années la date d’épuisement des énergies fossiles disponibles sur notre planète.
Or la fin programmée de ce type de ressources à plus court terme était une contrainte « positive » qui rendait inéluctable le basculement vers les énergies renouvelables et les économies d’énergie. Avec les gaz de schiste, nous sommes sur un terrain de lutte où s’affrontent encore un vieux monde prédateur en quête d’un dernier sursaut et une aspiration citoyenne à oser une nouvelle voie vers un futur viable. A mon sens, le combat qui s’engage pour les écologistes et citoyens anti-gaz de schiste est comparable, et sera tout aussi fondateur, que celui initié contre le nucléaire depuis quarante ans.
Des failles politiques ?
Le 24 juillet dernier, les ONG environnementales reçues à Matignon se montraient inquiètes sur le dossier des gaz de schiste. La ministre de l’Ecologie, Delphine Batho, se déclarait quant à elle « totalement opposée à la fracturation hydraulique » en précisant que si une nouvelle technique apparaissait, « nous aurions un vrai débat démocratique ».
Malgré les apparences, à quelques semaines de la conférence environnementale qui se tiendra le 14 et 15 septembre prochain, cette déclaration n’augure rien de bon : le recours à de nouvelles énergies fossiles n’est pas exclu, mais simplement conditionné à la qualité technique de leur extraction. Et le gaz naturel a beau être le moins polluant des énergies fossiles, il n’est pas plus renouvelable que le pétrole et engendre une quantité non négligeable de gaz à effet de serre lors de sa combustion. En outre, il suffit que le taux de fuite entre le puits d’extraction et l’utilisateur final soit de 4% pour que son impact sur le climat soit identique au charbon. N’est-il pas illusoire d’imaginer résoudre le défi climatique en choisissant une autre voie que celle des énergies renouvelables et de la sobriété énergétique ?
La reforme progressive de la politique énergétique est bien évidemment semée d’obstacles : elle nécessite, entre autres, des innovations technologiques, une fiscalité adaptée ou encore le passage à une réelle décentralisation énergétique et politique.
Le pari est-il gagné d’avance ? Bien sûr que non. Mais la voie actuelle, quoique plus rassurante pour beaucoup de ceux qui réfléchissent à très court terme, est une impasse assurée. Nous n’avons donc finalement pas le choix, nous devons nous réinventer.
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