Nicolas Hourcade est sociologue à l’Ecole centrale de Lyon.
Terra eco : Pourquoi certains supporters de football défendent-ils l’idée qu’un club fait partie de leur patrimoine ?
Nicolas Hourcade : Soit on considère que ce sont des entreprises classiques, qui cherchent à maximiser leur rentabilité, malgré les difficultés inhérentes au modèle économique du football. Dans ce cas, il est logique de considérer les spectateurs comme des clients, qui consomment un spectacle sportif comme ils pourraient en consommer un autre. Soit on considère que le club représente quelque chose pour les gens, soit localement, soit du fait de ses valeurs. Et qu’il génère un attachement d’une partie du public. Le club n’est alors plus seulement un bien économique, mais un bien social. C’est cette idée que défendent les supporters, et c’est ce qui justifie, pour certains, la volonté de s’impliquer dans le club, y compris dans son capital.Historiquement, comment les clubs sont-ils devenus des biens sociaux ?
Aux débuts du sport, il y a eu une véritable réticence envers le professionnalisme et le spectacle sportif, encore plus en France que dans d’autres pays européens : le sport devait avant tout être une pratique amateur et désintéressée. Mais le public s’est progressivement imposé comme un élément à part entière du spectacle. Les gens se sont appropriés les clubs en tant que des symboles de la communauté, d’une certaine identité locale. On le voit très bien à Lens, où, au départ, le club était pour les patrons des mines une façon de contrôler les loisirs de leurs ouvriers. Ensuite, sur la période récente, on peut voir un phénomène de « glocalisation », le football est à la fois mondialisé et localisé. On joue partout au football, mais des formes locales de pratique et d’attachement au club se sont développées. Aujourd’hui, pour une partie du public, le club est devenu un bien social. Et pour cette partie du public, il y a la volonté de s’impliquer dans le club, par exemple par l’actionnariat populaire.
En France, l’actionnariat populaire reste modeste...
Oui, l’idée d’actionnariat populaire est quelque chose qui se développe lentement. Cela peut s’expliquer par la mauvaise image des supporters dans notre pays : ils ne sont pas considérés comme des acteurs crédibles. Et aussi par une transformation économique plus lente du football français. Pendant longtemps, les clubs ont été indirectement liés à la population via les collectivités territoriales. Le besoin de réaffirmer cette appartenance du club à la communauté était moins fort. Le phénomène est encore embryonnaire, à part l’association A la Nantaise, qui est très structurée, l’actionnariat populaire est représenté essentiellement par quelques petits pôles. La France demande encore à être conquise par cette logique.A lire aussi sur Terraeco.net : Pour un foot plus durable, l’actionnariat populaire entre dans les stades
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