Dans les pays en développement, le nombre d’obèses ou de personnes en surpoids a triplé en moins de trente ans passant, entre 1980 et 2008 (1), de 250 millions à 904 millions d’individus, soit quinze fois la population de la France. C’est la conclusion d’un rapport de l’Institut du développement à l’étranger (ODI), un think tank britannique basé à Londres qui livre au passage une pléiade d’infographies (voir ci-dessous). « L’obésité est une problématique mondiale. Certes, il y a beaucoup de personnes touchées dans les pays à hauts revenus mais dans les pays pauvres, leur nombre croît tellement vite qu’on arrive à des chiffres ahurissants », souligne Sharada Keats, l’une des deux auteurs du rapport.
Dans les pays riches, l’évolution est plus lente. Sur la même période (1980-2008), le nombre d’individus affectés n’était « que » multiplié par 1,7 dans les pays développés. Résultat, sur la balance mondiale, il y a aujourd’hui beaucoup plus de gros dans les pays pauvres que dans les nations riches.
Conclusion biaisée direz-vous puisque les populations qui habitent les pays à moyens ou bas revenus sont plus nombreuses que les autres. Sauf que le bilan reste alarmant si l’on raisonne en pourcentage. En Afrique du Nord, au Moyen-Orient et en Amérique latine, le taux de population en surpoids ou obèse est proche des chiffres européens : 57% ou 58% (contre 34% d’individus en surpoids si l’on prend la population mondiale pour référence).
« Les régimes changent avec l’augmentation des revenus dans les pays développés avec un passage marqué des céréales et tubercules à la viande, au gras, au sucre en même temps qu’aux fruits et légumes », souligne le rapport. Des assiettes bien remplies et des calories devenues inutiles. En Chine par exemple le nombre de calories avalées par tête a bondi de 90% entre 1961 et 2009. Pendant ces cinquante années, la consommation de produits d’origine animale y est passée de 81 kilocalories par habitant et par jour à 670 et celle de légumes de 1 502 à 2 330. Couplé avec une tendance accrue à la sédentarisation, ce nouveau régime menace la santé des populations affectées : cancers, diabètes, troubles cardiaques et accidents vasculaires cérébraux progressent dans le monde entier. « Certes, la mondialisation joue un rôle avec un accès plus important aux produits alimentaires transformés et un marketing renforcé autour de ces produits. Mais les raisons de cette transition sont en fait très variées. Ce que l’on sait en tout cas c’est que quand les gens deviennent plus riches, ils absorbent plus d’énergie qu’ils n’en produisent. Qu’ils n’ont plus assez de temps pour préparer leur repas et optent pour des solutions rapides et plus caloriques », précise Shadara Keats.
Problème, les autorités tardent à agir, s’inquiètent encore l’ODI. « C’est un peu comme dans le cas du tabac. Il y a là aussi de gros intérêts défendus par l’industrie alimentaire et un public qui, au nom de la liberté individuelle, n’aime pas voir le gouvernement interférer. Ce n’est donc pas le premier volet sur lequel les autorités interviennent. Pourtant, dans les pays dotés d’un système de protection de santé, les avantages à agir sont importants », poursuit l’auteure. Mais changer la donne est possible. L’institut britannique note par exemple le bel effort de la Corée du Sud qui, à coups de programmes d’éducation – notamment des cours de cuisine destinés à apprendre aux femmes à préparer des plats riches en légumes et pauvres en graisses – et de campagnes de publicité a réussi à préserver son modèle traditionnel… mieux à l’améliorer. En 2009, les Coréens du Sud ont mangé 300% plus de fruits et 10% plus de légumes qu’en 1980.
(1) Les chiffres les plus récents disponibles pour l’ensemble des pays du monde
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