Objectif : un déficit maximum à 3% du Produit intérieur brut en 2013, contre 5,7% cette année. Annoncé ce mercredi par François Fillon, le plan de rigueur devrait permettre de dégager 1 milliard d’euros dès cette année, 11 milliards en 2012. Mais certains voient surtout dans la feuille de route du Premier ministre un « aveu d’échec » du sarkozysme. Zoom sur les mesures phares de ce plan anti-déficit :
- Un impôt sur les (très) hauts revenus. C’est la fameuse « contribution exceptionnelle », pour laquelle de riches patrons français ont lancé un appel cette semaine. Sur les conseils du député UMP Gilles Carrez, les revenus annuels supérieurs à 500 000 euros seront taxés de 3% jusqu’à ce que le déficit soit égal ou inférieur à 3% du PIB. Un objectif qui devrait être atteint en 2013, selon le gouvernement. Jusqu’ici, la dernière tranche d’imposition taxait les revenus dépassant 70 830 euros à hauteur de 41%. Momentanément, une nouvelle tranche imposera donc de 44% ceux qui empochent en une année un demi-million d’euros, soit quelques dizaines de milliers de Français. La mesure devrait rapporter 200 000 millions d’euros en 2012, selon François Fillon.
- Nouvelle taxation des plus-values immobilières. La réforme ne concerne pas les résidences principales, mais pour les autres biens – résidences secondaires et autres terrains, bâtis ou non – la fiscalité se durcit. Auparavant, l’abattement pour durée de détention permettait de réduire de 10% chaque année l’imposition d’une vente immobilière, à partir de cinq ans de détention. Cette mesure est supprimée : seule l’inflation (entre l’acquisition du bien et sa vente) est désormais prise en compte dans la taxation des plus-values.
- Niches fiscales au rabot. Une nouvelle réduction de 10% est prévue pour 2012 sur la vingtaine de niches déjà rabotées l’an dernier et jugées « inefficaces » par le gouvernement.
- Fin de la défiscalisation des heures supplémentaires – pour les employeurs, pas pour les employés. Objectif : récupérer 600 millions d’euros en réintégrant ces heures supplémentaires dans le calcul des allégements généraux de charge. Selon François Fillon, la mesure permettra de « limiter les effets d’aubaine et d’optimisation pour les entreprises ». Avec ce dispositif phare de la campagne 2007, c’est une large partie de la loi TEPA (Travail, Emploi, Pouvoir d’Achat) qui est remise en cause.
- Taxe sur le tabac, l’alcool, les sodas et… les parcs de loisir. Le gouvernement ne s’attaque pas qu’au montant de la dette nationale, il souhaite aussi réduire le tour de taille des Français. Car les deux sont liés, répond le Premier ministre : « on sait que le tabac, l’alcool et les boissons sucrées avec l’obésité sont à la source de dépenses de santé importantes », a t-il expliqué ce mercredi, avant de commenter le taux d’obésité parmi la population française (15% aujourd’hui). De fait : le prix du tabac augmentera de 6% très prochainement, tandis que les boissons sucrées verront leurs prix alignés sur ceux du vin. Taxées jusqu’ici à hauteur de 5,5%, elles seront désormais soumises à la TVA classique de 19,6% – mesure qui devrait générer 120 millions d’euros. Par ailleurs, les billets d’entrée dans les parcs à thème français subiront le même sort, afin d’« harmoniser la fiscalité des activités de loisir de plein air ».
Mais le plan d’économie ne fait pas l’unanimité. Nombreuses, les critiques se concentrent notamment sur « l’aveu d’échec » que représentent ces mesures.
Pour Claude Bartolone, député PS de Seine-Saint-Denis, elles témoignent « de la déconfiture dans laquelle s’achève ce quinquennat, le gouvernement [rompant] pour partie avec le cœur de sa politique fiscale, bienveillante depuis quatre ans à l’égard des plus fortunés. »
C’est un « pari perdu » ajoute l’éditorialiste du Républicain Lorrain , Pierre Frehel. « Le temps est celui des mesures conservatoires, visant à sauver le crédit du pays. »
Eva Joly, elle, juge « cosmétiques » la remise en cause du « travailler plus pour gagner plus » et la taxation des revenus « extravagants » . Mais pour la candidate Europe Ecologie-Les Verts, « ces éléments confirment la défaite de l’idéologie du candidat Sarkozy ».
La mini-taxe imposée aux méga-riches est aussi pointée du doigt. Le candidat du Front de gauche Jean-Luc Mélenchon parle d’un « contre-sens dramatique : sur onze milliards de coupes claires définitives, les riches ne donneront que moins de 10 % et encore, à titre provisoire ».
François Bayrou lui, considère que ces mesures budgétaires ne sont pas à la hauteur de la gravité de la situation de la dette française. « C’est un plan de rustines », a expliqué le candidat du Modem.« On va mettre des taxes sur les sodas, augmenter le prix du tabac pour la millième fois, raboter ici ou là… »
Seuls le parti majoritaire et certains éditorialistes applaudissent les mesures, comme Gaëtan de Capèle qui souligne, dans Le Figaro, « le réalisme et le pragmatisme » dont fait preuve le gouvernement « dans des circonstances difficiles ».
En Europe, où les plans d’austérité se succèdent – à Rome, à Lisbonne ou à Athènes – on dénonce aussi un plan d’austérité « pas à la hauteur », comparant avec étonnement le dégagement sur deux ans de 12 milliards d’euros au déficit abyssal national, qui devrait atteindre 100 milliards fin 2011. « La rigueur de Paris paraît pâle face aux 45 milliards d’économies annoncés ce mois par Rome », commente Frédéric Lelièvre dans le quotidien suisse Le Temps. « L’Italie sent davantage la pression du marché, mais les taux d’intérêt payés par la France ne cessent eux aussi d’augmenter. »
En Espagne, où un durcissement de la rigueur devrait également être voté fin août, la correspondante à Paris d’ El País estime que la réforme française est « plus symbolique qu’autre chose », tandis que l’éditorialiste du quotidien assure qu’une telle « augmentation de la pression fiscale est une voie valable », quoique de telles décisions devraient être « harmonisées dans la zone euro ».
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