La seule chose sur laquelle ils sont tombés d’accord, c’est qu’ils ne sont pas d’accord. Ce jeudi, une dernière réunion sur la transition énergétique devait clore neuf mois de discussion. En jeu : le poids du nucléaire, des énergies fossiles et renouvelables dans le mix énergétique français. Mais aussi la sobriété énergétique et la fiscalité écologique. L’idée ? Faire discuter syndicats, patronat et ONG pour dégager de grandes orientations sur la question énergétique. Le gouvernement s’est engagé à suivre les recommandations qui en découlent pour, à l’automne prochain, élaborer son futur projet de loi de programmation énergétique.
Le Medef joue les trouble-fête
« La transition énergétique doit être une chance écologique et industrielle pour notre pays », claironne Philippe Martin, le ministre de l’Ecologie et du Développement durable à l’ouverture de la séance. L’assemblée opine. Jusque-là tout va bien. Ou presque. Car les 112 participants ont déjà tous en tête le coup de force du Medef. La veille, l’organisation patronale a annoncé qu’elle ne signerait pas un texte, à ses yeux, non consensuel. Dès l’ouverture des auditions, Michel Guilbaud, son directeur général, persiste et signe en rappelant les points de désaccords. « Les objectifs en matière d’énergie renouvelable sont irréalistes », souligne-t-il. La promesse de François Hollande de faire passer la part du nucléaire de 75% à 50% du mix énergétique français à l’horizon 2025 non plus ne lui plaît pas. Philippe Martin vient pourtant de souligner qu’il est « fondamental d’avoir le plus de monde dans la barque ».En jouant les trouble-fête, le patronat a lancé la tendance. Les syndicats lui emboîtent le pas. Force ouvrière rappelle qu’elle ne veut « être engagée par aucune des recommandations » et la CGT déplore la timidité du texte sur la question des transports. « On est dans le temps de la clôture du débat », se sent obligé de préciser Philippe Martin en quittant temporairement l’assemblée. Dans la salle, ONG, patronat et syndicats ne l’entendent pas de cette oreille. Premier point d’accrochage : le titre du texte. Le mot « recommandations » ne convainc pas. Le Medef préfère parler de synthèse afin qu’on ne s’y trompe pas : les acteurs du débat ne parlent pas d’une seule voix.
Chacun veut rajouter sa note de bas de page
Quelques optimistes tentent tout de même de saluer le chemin parcouru. C’est le cas de la fondation Abbé Pierre qui « se retrouve globalement dans la synthèse ». Matthieu Orphelin, de la fondation Nicolas Hulot, estime pour sa part que « 95% du rapport est consensuel » et exhorte le gouvernement à agir dès maintenant. Pourtant, au fil des interventions, de la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles) à l’association des maires de France, chacun y va de sa nuance et veut rajouter sa note de page. Alors la liste des désaccords s’allonge. « Il va falloir qu’on trouve une méthode pour recueillir les dissensus », lâche Laurence Tubiana, la facilitatrice du débat.Laurence Tubiana, c’est la madame Courage de la journée. Après la pause déjeuner elle revient prête à en découdre point par point. Derrière elle, le titre du texte a changé sur l’écran. On parle désormais de synthèse et les 15 recommandations sont devenues « enjeux ». Auront-ils le même poids devant le gouvernement ? Philippe Martin de retour dans la salle ne commente pas. Le contenu du texte, lui, devient plus timoré – « Certains pensent que... d’autres non ». Sur les énergies renouvelables, la taxe poids lourds, les différences d’ambition sont soulignées.
« Un texte de principe »
Lorsque vient la question de la fiscalité écologique, Dominique Olivier, secrétaire confédéral de la CFDT, perd patience « on est en train de dénaturer le texte ». Mais c’est sur la question du nucléaire que les discussions se font les plus houleuses. « Je souhaite juste qu’on ne rouvre pas tout le débat », soupire Laurence Tubiana. A coup « de notamment » et de « entre autres » la synthèse est lissée. Au final, que reste-t-il de neuf mois de débat ? « Un texte de principe », soupire Morgane Créach, présidente du Réseau action climat.
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