Cela s’appelle une leçon de modestie. Prenez un ormeau, mollusque qu’on trouve agrippé aux rochers. Ce machin sans prétention tapisse pourtant l’intérieur de sa coquille d’une magnifique nacre aux reflets irisés. Laquelle ne se contente pas d’être belle : c’est aussi un matériau qui, en termes de résistance, ferait passer nos inventions humaines pour des ersatz de papier mâché ! Le secret de l’ormeau ? Une structure en millefeuille retorse qui rend la coquille 3 000 fois plus solide que les matériaux qui la composent. Et cerise sur le gâteau : cette nacre est 100 % naturelle, donc 100 % recyclable. Du coup, que font les ingénieurs phosphorant sur les gilets pare-balles de demain ? Ils s’inclinent, observent et imitent l’ormeau.
Concepteurs de sous-marins
De même avec le manchot, gros piaf qu’on a surtout l’habitude de voir en train de claudiquer sur la banquise. Il est capable d’aller pêcher sous l’eau glacée, à des pressions quarante fois supérieures à celle de la surface grâce à une capacité inouïe à économiser l’énergie, due en partie à son aérodynamisme. S’il était un véhicule, il pourrait parcourir 1 500 km avec un seul litre de gazole ! Du coup, que font les concepteurs de sous-marins et d’avions ? Ils s’inclinent, observent et imitent le manchot.
Epatants yeux de mouche
Une fois refermé l’ouvrage de la journaliste Mat Fournier, détaillant les mille et une manifestations de l’ingéniosité animale et végétale – la grenouille des bois qui s’autocongèle, la surface du lotus sur laquelle rien n’adhère, les yeux de la mouche qui font d’épatants panneaux solaires... –, l’éblouissement laisse place à une certaine perturbation : pourquoi l’homme, pourtant membre du même écosystème planétaire que l’ormeau, le lotus et les autres, est-il le seul à n’inventer que des choses qui consomment une énergie folle et génèrent des tonnes de déchets ? Pas question de jouer à Philippulus le Prophète (voir L’Etoile mystérieuse d’Hergé) clamant :
« Les hommes devraient faire comme l’ormeau et rester à leur place, plutôt que de défier la Nature et d’inventer des choses qu’Elle n’a pas prévues pour eux ! » D’abord parce qu’on serait bien en peine de déterminer quelle est la « place naturelle » de l’homme (chasseur-cueilleur vivant dans les cavernes ?). Ensuite, parce qu’on ne pourra plus faire comme si le 4x4 et l’Ipad n’avaient pas été inventés. Mais il est urgent, nous suggère Mat Fournier, et avant elle Janine Benyus (voir
Terra eco n° 26), d’entrer dans une nouvelle phase de créativité humaine. Une phase qui consisterait, pour une fois, à s’incliner, observer et imiter.
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions