« Mon véritable adversaire, c’est le monde de la finance », a lancé François Hollande lors de son meeting au Bourget ce dimanche 22 janvier. Cette phrase est populiste, clivante et sans fondement rationnel. Remarquez vous n’êtes pas le premier, nous avions eu droit au « c’est la faute des traders » de Nicolas Sarkozy et au « rendez l’argent aux Français » de Ségolène Royal lors de l’affaire Kerviel. La finance a la peau dure et sait courber l’échine face à la critique.
Les bases :
En prononçant cette phrase vous érigez en ennemi 380 000 personnes en France (soit 2,6% des emplois salariés) qui travaillent dans la banque stricto-sensu. Je ne parle pas des emplois périphériques, le total serait bien plus élevé. Cette activité contribue pour 80 milliards d’Euros au PIB de la France soit 4,6% de celui-ci.
Lecture historique de cette phrase :
« Nouvelle aristocratie arrogante et cupide qui s’installe » : une lecture historique de ce ressentiment est extrêmement intéressante. En effet, la « haine » du banquier est une constante à travers les crises de tous les temps, du Moyen Age à nos jours. Revenons en France en 1924, période vous en conviendrez historiquement intéressante (montée du fascisme, crise économique…). La gauche de l’époque (le Cartel des gauches), pour répondre à la crise vécue à cette période, avait inventé le concept de « Mur d’Argent » pour stigmatiser cette profession comme cause/conséquence/solution de la crise de l’époque. Bien entendu cela n’a rien arrangé. Bien au contraire ce fut un véritable désastre politique, économique, et favorisa allégrement la montée de l’extrême-droite.
L’histoire n’a pas de mémoire, essayons d’en avoir pour elle. 2008 fut une crise du secteur bancaire et effectivement je vous soutiens lorsque vous réclamez une « une loi séparant les activités de dépôt et d’investissement des banques ». Vous parlez, sans le nommer, du Glass Steagall Act de 1933, abrogé au fil des années de croissances et qu’il faut réinstaurer afin d’assainir les relations entre ces deux parties de la banque qui ont des profils de risques très différents. Le fait que la banque de détail puisse soutenir la banque d’affaire créé un aléa moral faisant baisser la vigilance concernant cette dernière activité.
Vos propositions :
L’idée d’une « agence publique de notation à l’échelle européenne » est une fausse bonne idée car elle ne survit pas à l’épreuve de l’auto-financement. Mettre un organisme de notation sous perfusion des Etats créera un biais monumental et dangereux pour son indépendance.
Vous désirez une « banque publique d’investissement ». Mais elle existe déjà plus ou moins et elle s’appelle Oseo. Vous voulez « des aides publiques pour les entreprises qui produisent en France mais l’obligation de les rembourser pour celles qui délocalisent. » Bonne idée mais, dans ce cas, faites des ristournes fiscales ce sera plus efficace (car pas d’avance de capitaux de l’Etat) et vous pouvez les stopper dés que vous le désirez. Un tuyau, essayez d’orienter cette dernière proposition sur l’industrie et les sociétés innovantes. La première est celle qui emploie le plus de personnel faiblement qualifié (vrai problème de la France à ce jour), la seconde est l’industrie qui emploiera le personnel qualifié de demain (avant que ce personnel géographiquement mobile se délocalise lui-même à San Francisco par exemple).
Enfin, dernier tuyau, si, à tout hasard, vous « devez sauver les banques » une nouvelle fois, ne faites pas de prêts à ces dernières, devenez actionnaires, vous aurez droit de parole au conseil d’administration et l’Etat touchera les dividendes de sa bonne gestion et de sa prise de risque. Bref, une gestion de gestionnaires et non de politiques.
Donc, s’il vous plaît, mesurez vos propos, car sous couvert de contrainte électorale vous créez un clivage malsain, un raccourci facile que tout le monde croit comprendre mais qui ne résoudra aucun problème.
Cet article a initialement été publié sur le blog d’Eric Valatini, ce lundi 23 janvier.
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