Vous vous souvenez des tribulations du robot Wall-E, chargé de nettoyer la Terre asphyxiée sous les montagnes de déchets produits par les humains ? Un rapport de la Banque mondiale, titré « What a waste : A Global review of solid waste Management » (« Quel gâchis : rapport mondial sur les déchets solides ») et publié au début du mois de juin, dresse un tableau pas si loin de l’univers dépeint par les studios Pixar. Aujourd’hui, bouteilles en plastique, cartons, canettes en métal et autres détritus forment chaque année un confortable monticule et pèsent plus d’1,3 milliard de tonnes. Mais d’ici à 2025, la quantité d’ordures générées en zones urbaines devrait exploser de 70% et atteindre 2,2 milliards de tonnes.
« On met au jour un problème silencieux qui prend de l’ampleur chaque jour. Les problèmes liés aux déchets urbains solides vont être gigantesques, aussi importants, sinon plus, que ceux que nous connaissons actuellement en raison du changement climatique », a expliqué dans un communiqué de presse Dan Hoornweg, spécialiste du secteur urbain du département Finance, économie et développement urbain de la Banque mondiale et co-auteur du document. « Ce rapport doit être considéré comme un puissant signal d’alarme pour les décideurs du monde entier. »
Géographie des déchets
Quand on pense déchets, on pense souvent à l’immense décharge sauvage de Dandora, plantée sur les townships de Nairobi, au Kenya. Chaque jour, 2 000 tonnes d’ordures y sont déversées. Là, plus de 10 000 personnes travaillent, à la recherche de « restes » à recycler.
On pense aussi au Fresh Kills Landfill, la plus grande décharge au monde, sur Staten Island, au large de New York, qui pendant plus de cinquante ans a accueilli tout ce que la Grosse Pomme et sa folie consumériste produisait de déchets.
Pour les années à venir, le rapport de la Banque mondiale dessine une nouvelle carte de la géographie mondiale des déchets. Désormais, c’est en Chine – qui peut s’honorer d’être devenue en 2004 le plus grand producteur de déchets au monde, devant les Etats-Unis – et plus généralement en Asie de l’Est, mais aussi dans certaines parties de l’Europe de l’Est et du Moyen-Orient, que le volume d’ordures augmente le plus rapidement. Et que les décharges poussent comme de mauvais champignons. En 2030, le Dragon asiatique devrait même produire deux fois plus de détritus que les Américains... Une raison toute simple à cela : plus une région s’enrichit et s’urbanise, plus la quantité de déchets générés grimpe, via une consommation accrue de matières inorganiques comme le plastique, le papier, le verre, l’aluminium, etc.
Note salée...
Pour ces régions, la note risque d’être salée. Le rapport estime que le coût annuel de la gestion des déchets solides, chiffré aujourd’hui à 205 milliards de dollars (163 milliards d’euros), pourrait atteindre 375 milliards de dollars (299 milliards d’euros) en 2025. Les pays à faibles revenus, qui ont tout à mettre en place en la matière, seront les plus contraints par la gestion des déchets. Pis, celle-ci représente bien souvent le poste budgétaire le plus important pour les municipalités. « Une ville qui ne parvient pas à gérer efficacement ses déchets est rarement capable de régir des services plus complexes, comme la santé, l’éducation ou les transports. L’amélioration de cet aspect est l’un des moyens les plus efficaces de renforcer la gestion municipale dans son ensemble », explique le rapport.
« Il est de plus en plus urgent d’améliorer la gestion des déchets solides, en particulier dans les villes en expansion rapide des pays à faibles revenus », a déclaré lors de la remise du rapport Rachel Kyte, vice-présidente pour le développement durable à la Banque mondiale. « Les conclusions du rapport sont graves, mais elles laissent aussi espérer qu’une fois qu’ils auront pris conscience de l’ampleur du problème, les dirigeants locaux et nationaux, ainsi que la communauté internationale, se mobiliseront pour mettre en place des programmes de réduction, de réutilisation, de recyclage ou de récupération de la plus grande quantité de déchets possible avant incinération (et récupération de l’énergie ainsi produite) ou élimination d’une autre manière. La mesure de l’ampleur du problème constitue une première étape cruciale pour sa résolution. »
… et solutions à inventer
Le problème de la gestion des déchets ne se résoudra pas avec des pansements, jugent les auteurs du rapport. Pour eux, il faut penser « globalisé », c’est-à-dire intégrer toutes les parties prenantes dans le processus : des producteurs, en début de chaîne, aux citoyens, en bout de chaîne. Des idées ? Mettre en place des politiques d’achats ou des prix préférentiels stimulant la demande de produits issus de matières recyclées, instaurer des taxes sur les produits pour réduire la quantité de déchets, sensibiliser la population au recyclage et au compostage, mettre en place des redevances en fonction de la quantité de déchets produits... Entre autres exemples, depuis 2007, dans la communauté de communes de la Porte d’Alsace, les poubelles des habitants passent désormais sur la balance : au lieu de payer une taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM), fixe, ceux-ci paient une taxe incitative de pesée embarquée, soit un tarif en fonction du poids de leurs déchets.
Et histoire d’enfoncer le clou dans la plaie, les spécialistes rappellent que les décharges, ce n’est pas seulement mauvais pour la santé et l’environnement localement, ça fait aussi tort à notre atmosphère : ces déchets représenteraient près de 5% du total des émissions mondiales de gaz à effets de serre (GES), les décharges générant par exemple 12% de la totalité des émissions mondiales de méthane... Presque autant que le bétail qui paît à la surface du globe et dont la mécanique interne serait responsable de 15% des émissions de méthane.
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