Le 3 mars, les Suisses ont largement approuvé l’initiative limitant les « rémunérations abusives » des patrons des sociétés cotées. Une initiative qui prévoit aussi d’interdire leurs parachutes dorés. « Je pense qu’il faut s’en inspirer », à déclaré pour sa part Jean-Marc Ayrault, ce lundi. |
Philippe Villemus est professeur-chercheur au groupe Sup de Co Montpellier. Il est l’auteur de Le patron, le footballeur et le smicard (editions Dialogues, 19,9 euros).
Terra eco : Faut-il, selon vous, encadrer les rémunérations des patrons ?
Philippe Villemus : Oui. Parce que ces rémunérations ont littéralement explosé depuis une dizaine d’années alors que la précarité et le chômage ont fortement augmenté et surtout que les cours de bourse ont dévissé. Parce que les patrons du CAC 40 sont les mieux payés de la planète après les Etats-Unis alors que la France n’est pas tout à fait le deuxième plus grand pays du monde… Parce qu’en France, il y a une concentration des pouvoirs dans les conseils d’administration. Des pouvoirs détenus par les élites qui se connaissent, et qui ont une accointance forte avec le système politique. C’est un système incestueux, consanguin. C’est une aberration unique au monde que l’on ne voit nulle part ailleurs à part à Cuba ou en Corée du Nord. Il faut supprimer totalement le cumul des mandats. On doit ne pouvoir être administrateur que d’une seule entreprise. Quand on aura fait ça, on aura déjà résolu 50% du problème.Comment doit-on procéder ?
Il faut interdire certaines formes de rémunérations. Les retraites chapeaux d’abord. Je ne suis pas contre les très hautes rémunérations des patrons : ils ont une responsabilité pénale, sociale, économique… Mais pourquoi cette rémunération doit-elle se pérenniser quand ils n’exercent plus ? C’est totalement scandaleux et complètement contraire à l’esprit du capitalisme. Et si un patron se marie à la fin de sa vie à une jeune femme, ça veut dire qu’elle touchera des millions jusqu’à la fin de ses jours même si elle n’a jamais travaillé ! Alors qu’on demande aujourd’hui à tout le monde de se serrer la ceinture pour sauver la retraite par répartition.Il faut aussi interdire les parachutes dorés. Ils récompensent les patrons qui ont failli (les patrons touchent les parachutes quand ils sont remerciés, souvent au terme de mauvais résultats, ndlr), détruit de la richesse pour les actionnaires. C’est comme si on récompensait un enfant qui a fait une très mauvaise rédaction par un 19.
Il faut aussi que les rémunérations des pédégés soient votées par l’Assemblée générale et qu’il y ait plus de transparence dans les rapports d’activité. Pour qu’une journaliste comme vous, un professeur comme moi, les actionnaires, la communauté ait une idée claire de la rémunération totale d’un patron. Dans une société cotée en bourse, la rémunération d’un pédégé est un véritable mille-feuilles, il y a les variables, les fixes, les retraites chapeaux, les parachutes dorés, les avantages en nature… Si on publiait ça, on aurait une grosse surprise et on se rendrait compte de l’énormité du problème.
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