Philippe Martin, ministre de l’Ecologie, vient d’annoncer que la décision de créer une « contribution climat énergie » (CCE) a été prise par le Premier ministre, avant de préciser qu’il y aurait « débat sur le montant et le rythme » de cette contribution à la rentrée. La promesse d’un débat très agité.
Il suffit de se rappeler de l’âpreté du débat sur la taxe carbone en 2009 pour comprendre celui qui va suivre dans les prochains jours. En 2009, dès que la décision du Président de la République d’inscrire une contribution carbone dans le projet de loi de finances pour 2010 a été connue, un tir de barrage nourri a eu lieu.
Les étapes du front des « antis » contribution climat énergie qui va se développer peuvent d’ores et déjà être anticipées.
Première étape : la communication. Les sondages tout d’abord. Attendons nous dans les jours prochains à une salve de sondages où des questions bien rédigées permettront de s’assurer que 99% des Français interrogés sont hostiles à la taxe carbone. Nous aurons alors droit à des images dans les journaux télévisés de personnes âgées vivant à la campagne et dépendantes de leur voiture dont le carburant coûte déjà cher. Avec ce message en filigrane : la taxe carbone est injuste socialement. Certaines associations de consommateurs, rêvant que l’énergie reste bon marché en oubliant ses externalités négatives, donneront de la voix, organiseront des conférences de presse.
Deuxième étape : réduire la contribution climat énergie à un cadeau de la gauche aux écologistes. En oubliant bien entendu que la mesure avait été étudiée lors du Grenelle, défendue par Jean-Marc Jancovici, portée par un gouvernement de droite, votée par une majorité de droite en 2009. La mesure n’est ni de droite ni de gauche : elle est nécessaire. D’une certaine manière, il est dommage que l’annonce du retour de la contribution climat énergie ait été faite lors de l’université d’été EELV. Ce qui permet déjà à certains éditorialistes de parler de cadeau ou de concession faite à ce parti.
Troisième étape : tenter de mettre en place une nouvelle Commission, d’organiser un énième débat pour repousser aux calendes grecques le projet.
Quatrième étape : mener un combat juridique, saisir le Conseil constitutionnel qui a déjà bloqué à deux reprises un projet de fiscalité carbone. Jamais deux sans trois ?
La décision de créer une contribution climat énergie est-elle une bonne décision ? Oui sur le principe. Mais à quelques conditions.
1. Il est important que cette contribution ne soit pas une nouvelle taxe qui augmente le montant général des prélèvements obligatoires. L’écologie ne peut être un prétexte au durcissement de la pression fiscale qui est en effet déjà (trop) importante. La contribution climat énergie doit à l’inverse permettre un transfert de fiscalité, laquelle pourrait moins peser sur le travail, plus sur la pollution. Il faut absolument démontrer que cette contribution n’est pas l’ennemie mais la condition d’une nouvelle prospérité économique.
2. La contribution climat énergie ne doit pas être un droit à polluer. Mal définie, une taxe peut produire l’inverse de l’effet désiré. Un taux trop bas, une assiette exonérant sans motif certaines sources d’énergie : la mesure sera sans effet pour la lutte contre le changement climatique.
3. La contribution climat énergie doit être juste socialement : son produit doit être fléché vers les plus modestes et permettre une véritable lutte contre la précarité énergétique. Chèque vert ou crédit d’impôt : il faudra débattre de la meilleure manière d’assurer cette redistribution.
4. La CCE doit être accompagnée d’un ensemble de mesures destinées à moderniser notre industrie : celle-ci ne doit plus dépendre des cours des énergies fossiles qui diminuent chaque jour notre indépendance énergétique. Efficacité énergétique, énergies renouvelables, sobriété : des nouveaux gisements de prospérité peuvent être identifiés.
5. La CCE ne doit pas être une taxe carbone : son but ne doit pas être la seule lutte contre le changement climatique, aussi important soit cet objectif. La protection des plus faibles face à l’augmentation du coût de l’énergie, la modernisation de notre industrie doivent être mis en avant.
6. La CCE ne doit pas être une révolution fiscale brutale. Il faudra nécessairement procéder par petits pas, cranter, passer des étapes, permettre une adaptation en douceur de notre économie à cette nouvelle logique fiscale. Il faudra rappeler les exemples d’Etats étrangers – Suède (voir notre article sur l’exemple suédois, ndlr) ou Suisse – qui n’ont pas porté atteinte à leur croissance économique – bien au contraire – tout en instaurant une fiscalité carbone.
A lire aussi :
Pour une analyse de la décision du Conseil constitutionnel du 28 décembre 2000 (taxe carbone Jospin) : c’est ici.
Une chronique pour Terra eco sur le faux retour de la taxe carbone en juin dernier : c’est ici
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