Les avions qui partent et atterrissent à Nantes polluent le paysage, cassent les oreilles et risquent de s’écraser en plein centre-ville. Boutons donc l’aéroport actuel – situé à Bouguenais, juste au sud de la ville – pour en construire un, bien plus loin, à Notre-Dame-des-Landes (NDDL). Voilà les arguments (entre autres) des défenseurs du projet de nouvel aéroport.
Dans le camp des opposants, on se gratte la tête. Comment se fait-il que Nantes soit survolé si fréquemment par les avions ? Les contrôleurs aériens ne le feraient-ils pas exprès, pour agacer les Nantais et gagner les habitants à la cause du nouvel aéroport ?
Commençons par quelques données de base. Sachez d’abord qu’un avion doit toujours se poser ou décoller face au vent. C’est la règle. Sachez ensuite que la piste utilisée à Nantes est orientée sud-ouest - nord-est (dans le milieu, on dit 30°-210°C), comme le montre le schéma ci-dessous. Les avions peuvent donc se poser dans les deux sens : du sud vers le nord (QFU 03 sur le schéma), ou du nord vers le sud (QFU 21) :
(Ne vous fiez pas à la position du texte sur le schéma mais aux couleurs).
Pour éviter un survol excessif de l’agglomération, un document du service de l’information aéronautique (à lire ci-dessous) précise que pour les « Avions de tous types », « le QFU 03 (du sud vers le nord, ndlr) est obligatoire jusqu’à un vent arrière de 8 kt (l’équivalent de 8 nœuds, ou 14,8 km/h, ndlr), sauf si l’état de la piste rend son utilisation impossible ».
Oui, les avions passent trop au-dessus de Nantes
Dans le camp des opposants à Notre-Dame-des-Landes, le pilote Thierry Masson est persuadé qu’on lui demande de passer trop souvent par le nord (donc au-dessus de Nantes). Il a collectionné patiemment les relevés Metar – soit les données météo essentielles à une bonne navigation – de certains jours où les avions étaient appelés à se poser systématiquement ou presque face au sud. Résultat : alors que le temps était beau (ciel et visibilité bonne, soit CAVOK sur le document ci-dessous) ou légèrement nuageux (FEW) et le vent faible - entre 3 et 8 noeuds (sauf une pointe au-dessus entre 16 et 18h) - les avions ont tous atterris sur la piste 21 pendant la journée du 27 mai 2012, c’est-à-dire qu’ils ont tous survolé Nantes. Idem les 25 et 26 juin (document 2) avec un vent à 8 kt maximum. Le 4 décembre 2012, les vents relativement forts (jusqu’à 15 kt à 13h) ont faibli vers 17h. Et pourtant « la QFU 21 a été utilisée toute la journée », précise Thierry Masson en tête de son document.Pour comprendre plus précisément comment décrypter un Metar, rendez-vous ici.
« Un tiers du temps, le vent vient du sud, un tiers du temps, il vient du nord et le reste du temps, il n’y a pas de vent du tout. Donc deux tiers des avions devraient se poser par le sud. Or plus de 50% passe par le nord », souligne le pilote amateur Michel Tarin, par ailleurs membre de Solidarité Ecologie opposée au projet de nouvel aéroport. « Sur les 44 000 mouvements commerciaux annuels. Il y en a 20 000 par le Nord, 22 à 24 000 par le Sud », abonde Thierry Masson. Légère nuance pour Philippe Guigon, contrôleur aérien rennais depuis peu à la retraite. Pour lui, on aurait à Nantes : « 40% des arrivées par le nord et 60% par le sud. Comme les vents dominant viennent du sud-ouest, quand il y a trop de vent en vent arrière on ne peut pas se poser par le sud », souligne-t-il. Quoi qu’il en soit, pour Thierry Masson, de telles statistiques sont embêtantes dans la pratique de son métier : « La plupart des lignes commerciales partent ou arrivent du sud-est de la France. Les avions ne devraient donc pas à avoir à faire le grand tour par le nord, et donc pas à survoler Nantes. C’est une rallonge de 5-7 minutes en temps de vol, une rallonge de carburants, de pollution et d’argent. »
Un complot des contrôleurs ?
Mais alors que se passe-t-il ? Y a-t-il vraiment un complot pour inciter les avions à passer sur la ville ? Pour Thierry Masson, « la DGAC (Direction générale de l’aviation civile, ndlr) est pleine de bonne volonté mais ce sont les services qui ne jouent pas le jeu. Les contrôleurs aériens s’obstinent. » A croire que ces derniers auraient envie de changer de lieu de travail. « Pour eux, Notre-Dame-des-Landes a l’attrait d’un nouvel outil de travail, différent », poursuit-il. Philippe Guigon – pourtant opposé au nouveau projet de Notre-Dame-des-Landes – avoue avoir « rit jaune » quand il a entendu ce « mauvais bruit ». « Soit disant mes collègues de Nantes ne favoriseraient pas l’atterrissage prévu par le nord ? Mais vous savez, il y a des manuels d’exploitation qui respectent les normes internationales. Après, c’est comme dans tous les métiers, il y a des schémas mentaux. Mettons que le vent se mette à faiblir et que la 21 est en service. Je continue. Parce qu’il y a cinq avions en file indienne qui attendent. Ce n’est pas de la mauvaise foi délibérée. Ça peut arriver dans tous les terrains du monde. Et n’y voyez pas une défense solidaire corporatiste ! » Pour lui, les contrôleurs n’auraient pas même intérêt à un tel soutien : « La plupart des collègues quand ils sont arrivés à Nantes ont pris une habitation pas très loin de l’aéroport. Si on leur colle un nouvel aéroport au nord de la ville, ils auront plus de trajet. »Au-delà de respecter le simple code de bonne conduite, d’autres choses pourraient être aménagées pour limiter les nuisances dans la ville. « On pourrait instaurer des descentes en continu et non en palier », suggère Michel Tarin. Cette descente en continu permet de : « consommer moins, polluer moins, créer moins de bruit et il n’y a pratiquement pas de risque de décrochage », poursuit-il. Or, la descente en continu n’aurait pas été mise, pour l’instant, en place sur Nantes Atlantique selon lui. Faux pour Philippe Guigon : « On essaye de le faire. » L’ex-aiguilleur du ciel souligne néanmoins qu’il faudrait « augmenter la pente d’atterrissage à Nantes Atlantique. Ainsi on passerait moins bas au-dessus de l’île de Nantes qui a été joyeusement lotie par Jean-Marc Ayrault. »
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