Deux mois après les faits, on entrevoit les causes et les conséquences de l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima. Il y a l’imprévoyance de l’exploitant – l’électricien japonais Tepco –, certain que son dispositif de protection des tsunamis suffirait en toutes circonstances. Il y a aussi la négligence du même Tepco, soupçonné d’avoir fermé les yeux sur des défauts de conception des réacteurs. Il y a, encore, la falsification de documents de contrôle. Ces ingrédients ont malheureusement coûté cher lorsque l’impensable – un tsunami d’une puissance imprévue – s’est abattu sur la zone. Le bilan sanitaire de l’accident reste à établir. S’il semble contenu, le manque de transparence des autorités japonaises et de Tepco appelle à la plus grande réserve. Et la controverse qui divise encore la communauté scientifique au sujet du bilan de Tchernobyl, vingt-cinq ans après, laisse penser que l’on n’a pas fini de débattre de Fukushima. On sait déjà que les 35 millions d’habitants de Tokyo ont échappé au pire. Sur certaines terres jouxtant la centrale, plusieurs récoltes sont condamnées. Voire, les habitants n’y reviendront jamais. En mer, la contamination va se répandre dans tout l’écosystème. Le coût social, écologique et économique de Fukushima sera au moins celui d’un très gros accident industriel, à l’image de l’explosion de Deepwater Horizon, la plateforme pétrolière de BP partie en fumée dans le golfe du Mexique il y a un an. Cela suffit, en soi, à fâcher.
Soutien des contribuables
Mais il y a plus grave : contrairement à BP, Tepco ne pourra supporter seul le coût de l’accident. Les contribuables japonais devront sans doute en financer une grande partie. Ils auront payé deux fois : une pour les dommages directs, une seconde pour la réparation de ceux-ci. Ceci nous amène à une question : les producteurs d’électricité nucléaire sont-ils armés financièrement pour assumer le prix d’éventuelles catastrophes industrielles ? Dans la négative, cela signifierait que leur activité ne peut fonctionner sans le soutien massif des contribuables. Cela poserait une seconde question : pourquoi un opérateur prendrait-il toutes les précautions nécessaires – et en assumerait-il les coûts exorbitants – s’il sait, in fine, que c’est l’Etat qui paiera ? Maintenant, renversons l’argument : si un opérateur devait prendre à sa charge tous les coûts liés à la recherche de la sécurité maximale, ferait-il encore le pari d’exploiter des centrales nucléaires ? —
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