Le ciel vient-il de tomber sur la tête de Notre-Dame-des-Landes ? Ou, au contraire, le projet d’aéroport va-t-il finalement décoller, cinquante ans après sa mise à feu ? Autour du bocage, toujours peuplé d’irréductibles retranchés, deux camps scrutent les vols de grèbes castagneux et les entrailles des tritons marbrés. Et s’écharpent sur ce qu’augurent les rapports sur l’Aéroport du Grand Ouest (AGO), rendus en avril. Les pro, le Premier ministre et ancien maire de Nantes, Jean-Marc Ayrault, en tête, applaudissent : la commission du dialogue juge toujours nécessaire le transfert vers la verte campagne de l’aéroport de Nantes-Atlantique, dont la saturation serait atteinte à l’horizon 2020, avec 4 millions de passagers par an. Argument principal : le bruit deviendrait alors insupportable pour les voisins.
Pavé dans le ruisseau
Notre-Dame se fera, inch Allah. Et tant pis pour l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre – un vrai trou d’air dans le rapport de la commission. Néanmoins, les anti se félicitent aussi : les trois comités d’experts exigent tant d’« améliorations » au projet et d’études complémentaires qu’ils repoussent de plusieurs mois les premiers coups de pelle. Et ils ont jeté un pavé dans le ruisseau en démontant le projet du groupe Vinci, titulaire de la concession de l’aéroport, visant à compenser la destruction d’une zone humide. Comme Matignon exige que les recommandations du rapport soient suivies, cela revient, pour Europe Ecologie - Les Verts, à un « report sine die » du chantier. Les opposants maintiendront toutefois la pression, notamment à l’occasion d’une chaîne humaine, le 11 mai. « C’est un bon coup d’arrêt, comme le souhaitait le gouvernement, qui ne voulait pas d’interférences avant les élections municipales, analyse Françoise Verchère, porte-parole du Comité des élus doutant de la pertinence de l’aéroport. Bien que deux des trois membres de la commission du dialogue soient plutôt proaménagement, leur rapport est une bonne claque. Il montre que, malgré ses cinquante ans d’âge, ce projet est toujours mal ficelé et d’une imprévoyance totale. Alors que les travaux devaient théoriquement commencer en mai, aucune réflexion sérieuse n’a encore été menée sur l’avenir de l’usine Airbus, à Nantes, sur le gaspillage des terres agricoles ou sur la desserte du futur aéroport en transports collectifs. » Même le maintien de Nantes-Atlantique revient sur le tapis à bagages : histoire de « mettre un terme à une polémique inutile », la commission du dialogue, présidée par Claude Chéreau, demande que l’Etat étudie le réaménagement de l’aéroport actuel, pour savoir s’il pourrait supporter une augmentation du trafic.
Fleurons du « made in France »
Comment est-on ainsi revenu au terminal de départ ? Notre-Dame-des-Landes a déjà ressuscité plusieurs fois. Conçu pour le Concorde, puis présenté comme une alternative au troisième hub parisien, il est le seul projet d’aéroport ayant survécu au Grenelle – mais pourrait, ironie de l’histoire, se crasher à cause des lois sur l’eau qui en sont issues. La France compte, il est vrai, seulement 155 aéroports commerciaux – contre 40 en Allemagne –, tous arrosés de subventions publiques, comme l’a plusieurs fois pointé la Cour des comptes ! Mais il faut bien faire vivre Airbus et Vinci – dix aéroports gérés dans l’Hexagone. Ces deux fleurons du made in France savent avancer leurs pions, si besoin en bombardant leurs arguments. De la hausse du trafic aux créations d’emplois, du respect de l’environnement au développement urbain de Nantes, Terra eco les passe au détecteur. Bienvenue à bord. —
SOMMAIRE
DÉCRYPTAGE Aéroport du Grand Ouest : la contre-enquête | Faites entrer l’accusé Notre-Dame-des-Landes. Dans le dossier ? Des rumeurs tenaces, des calculs étranges, des immeubles fantômes et des tritons menacés. Pour y voir clair, on a sorti notre loupe et désactivé le pilote automatique. Accrochez-vous au gouvernail. | |
REPORTAGE A Notre-Dame-des-Landes, l’espoir germe au printemps | Prudents, mais déterminés, les habitants de Notre-Dame-des-Landes croient de plus en plus à l’abandon du projet. Et s’inventent un futur après la lutte. | |
INTERVIEW « L’analyse économique du projet est partielle et fragile » | Impact écologique mal mesuré, méthodologie mal ficelée, alternatives oubliées : l’économiste Eloi Laurent estime que, en l’état, les études ne peuvent permettre aux décideurs de juger de l’opportunité d’un nouvel aéroport. | |
DOCUMENTS Notre-Dame-des-Landes : des archives inédites pour comprendre | Le projet d’aéroport est né en 1964. L’idée était de faire de Nantes une nouvelle métropole digne d’accueillir le Concorde. D’abord peu contesté, il deviendra au flot des critiques une véritable usine à gaz. Histoire d’une genèse, documents à l’appui. | |
QUIZ Aviation : le crash-test | Faites un sans-faute à notre quiz et gagnez des miles et un permis de pilote. |
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