Une déconvenue de plus, et un débat sur la transition énergétique qui s’annonce de plus en plus mal. Lundi 19 novembre, l’ex-patron du CEA (Commissariat à l’énergie atomique) Pascal Colombani, qui devait co-animer ce débat, a annoncé qu’il jetait l’éponge. A quelques jours du démarrage de cet événement phare du quinquennat de François Hollande, le flou règne. La preuve avec ces questions très simples qui demeurent encore sans réponse.
- Quand aura-t-il lieu ?
Fin août, la ministre de l’Ecologie Delphine Batho annonçait à Terra eco qu’un débat national allait s’engager « à partir de cet automne ». Son équipe a ensuite précisé que le débat débuterait « début novembre » avant de fixer le rendez-vous à la date du 20 novembre. Au dernier moment, le ministère de l’Ecologie a finalement reporté la réunion parce que le président de la République ne pouvait être présent : celui-ci doit se rendre ce soir au 95e congrès de l’AMF (Association des maires de France). Une excuse étonnante : la date de ce congrès est fixée depuis l’été et n’a elle pas bougé depuis.
Le débat devrait finalement se tenir la semaine prochaine, mais aucune date définitive n’est encore arrêtée même si plusieurs participants évoquent le 29 novembre. Contacté par Terra eco le climatologue Jean Jouzel, censé lui aussi co-animer le débat au sein du « Comité de pilotage », reconnaissait ce mardi ne pas connaître la date définitive. Le climatologue a un agenda chargé la semaine prochaine, dont un déplacement à l’étranger, mais « espère vivement pouvoir participer » au lancement.
- Qui l’anime ?
Initialement, le débat devait être présidé par un comité de pilotage réunissant la ministre Delphine Batho, le climatologue Jean Jouzel mais aussi Anne Lauvergeon (ancienne patronne d’Areva), Laurence Tubiana (universitaire et directrice de la chaire de développement durable à Sciences Po), et Bruno Rebelle (ancien dirigeant de Greenpeace France). Pascal Colombani, l’ancien administrateur général du CEA dont la nomination avait fait polémique, a, lui, jeté l’éponge.
Sera-t-il remplacé ? Là aussi, le flou règne. Au ministère de l’Ecologie, on assure simplement que « des discussions sont en cours » et qu’il « faudra procéder à des ajustements ». Au sein du comité de pilotage, on tâtonne. Laurence Tubiana assure que le comité sera « complété » sans apporter plus de précision. De son côté, Bruno Rebelle a appris ce retrait dans la presse et commente :« Je pense que Pascal Colombani est très occupé et qu’il a peut-être entendu un certain nombre de messages qui ont été émis lors de sa nomination. Son retrait est une bonne occasion de rééquilibrer le comité, en l’ouvrant par exemple à un industriel du monde des énergies renouvelables. » Actuellement à l’étranger, Jean Jouzel a appris par Terra eco la défection de Pascal Colombani mais rassure : « J’ai discuté avec les autres membres du Comité de pilotage et je m’attends à un vrai débat, ouvert. » Bruno Rebelle se veut tout aussi rassurant : « On peut critiquer le fait que le gouvernement a beaucoup attendu après la conférence environnementale pour arrêter les instances et lancer le travail. Mais organiser un tel événement est terriblement compliqué et il vaut mieux prendre un peu de retard si cela peut permettre à tous les acteurs de débattre dans les meilleures conditions. »
- Qui y participera ?
Selon la feuille de route du gouvernement, l’instance qui va débattre, appelée commission nationale du débat ou Parlement, s’appuiera sur un comité d’experts scientifiques et un comité citoyen dont les membres ne sont pas connus aujourd’hui.
Cette commission doit représenter équitablement six collèges participants : les Etats, les ONG, les entreprises, les syndicats, les élus locaux et les parlementaires. Deux ONG ont déjà annoncé qu’elle ne participeront pas : Les Amis de la Terre et Greenpeace, qui jugent toutes deux que le comité de pilotage est trop en faveur du nucléaire. La défection de Pascal Colombani peut-elle les faire revenir sur leur décision ? « Non, il en faudrait beaucoup plus pour que nous revenions », prévient Jean-François Julliard, le directeur général de Greenpeace. « Nous n’avons pas participé à une chasse aux sorcières en demandant la tête de quelqu’un. Nous nous sommes retirés parce que ce débat manque de pluralité, mais aussi parce qu’il manque de transparence, d’information et même tout simplement de préparation. Tout cela montre que François Hollande n’a aucune ambition écologique. » Même constat mais décision opposée pour Benoît Hartmann, porte-parole de FNE (France nature environnement). « Le comité nommé n’est composé que de personnalités nucléopathes, nucléophiles ou nucléo-compatibles. Nous voyons ce retrait comme une occasion de rééquilibrer ce comité. Nous participerons à ce débat et nous gardons espoir, tout simplement parce qu’on n’a pas le choix : il est crucial pour l’avenir de notre pays. »
- De quoi va-t-on y parler ?
Pour Jean-François Julliard, « rien n’est prévu, rien n’est calé ». A FNE, on reconnaît avoir peu d’indications sur le déroulé du débat mais on espère qu’il permettra d’« engager un tournant vers la sobriété ». La Fondation pour la nature et l’homme a elle exigé « un document écrit sur l’architecture globale du débat » afin d’en savoir plus.
L’épineuse question du gaz de schiste a en tout cas d’ores et déjà été traitée en amont. Idem pour le projet de tarification progressive de l’énergie, la fermeture de la centrale de Fessenheim ou encore les tarifs de rachat des énergies renouvelables, comme le dénonce Arnaud Gossement, avocat spécialiste en droit de l’environnement et chroniqueur pour Terra eco.
Et pour le reste ? En août, la ministre de l’Ecologie Delphine Batho nous annonçait que ce débat déboucherait « à la fin du premier semestre 2013 sur un projet de loi de programmation pour la transition énergétique ». Le débat devrait donc durer six mois… si le calendrier est respecté.
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