Les consommateurs sont de plus en plus récalcitrants à avaler des légumes et des fruits barbouillés aux pesticides. Mais pour ceux qui les produisent, les dangers ne sont pas moindres. L’étude publiée mercredi 30 mai (à télécharger au bas de cet article) est la première à prouver qu’une exposition prolongée aux produits phytosanitaires engendre des troubles sur le cerveau et augmente le risque d’évolution vers la démence.
Baptisée Phytoner, l’enquête dirigée par Isabelle Baldi, de l’Institut de santé publique, d’épidémiologie et de développement de Bordeaux, démontre une détérioration des capacités cognitives chez la moitié des individus observés.
50% de ces vignerons victimes d’une détérioration de la cognition
Pendant près de quinze ans, les chercheurs ont suivi 929 viticulteurs du Bordelais. À partir de février 1997, ils ont observé 748 ouvriers qui travaillent quotidiennement au contact des produits chimiques, et 181 qui n’y sont jamais exposés. Après quatre années de comparaison, certains vignerons manipulant des pesticides montraient déjà des signes de baisses de performance cognitive.Les dernières données recueillies confirment le phénomène : 50% de ces vignerons sont victimes d’une détérioration notable de leurs fonctions fines de la cognition. Autrement dit : la mémoire, la concentration ou la simple vigilance. Les facteurs susceptibles de troubler les résultats – âge, tabagisme consommation d’alcool, etc... – ont été pris en compte.
Une nouvelle pièce au puzzle scientifique
Les auteurs de l’étude expliquent vouloir apporter un plus face au manque de données disponibles sur les pesticides. « Les procédures d’homologation des produits ne prennent en compte que les effets à court terme (dans les heures qui suivent le contact), et seulement chez l’animal. » Et l’enjeu n’est pas des moindres : en France, entre 700 000 et un million de travailleurs manipulent ces produits chimiques.
Or, les suspicions demeurent. Les résultats de cette enquête, financée par l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail), « conduisent à s’interroger sur d’éventuels risques d’accidents liés à ces troubles », souligne l’équipe d’Isabelle Baldi. Ils posent aussi la question de « l’évolution éventuelle de ces troubles vers des maladies neuro-dégénératives, comme Alzheimer ou Parkinson ». Cette dernière a d’ailleurs été reconnue ce mois-ci comme maladie professionnelle pour les agriculteurs et les viticulteurs.
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