Un pas de plus vient d’être franchi dans le respect des salariés. Mardi, le tribunal de grande instance de Lyon a interdit à la Caisse d’Epargne Rhône - Alpes Sud de fonder son organisation du travail sur le « benchmark ».
Ce système consiste, comme le rappelle le juge dans l’extrait du jugement, « en une évaluation permanente » des salariés de la Caisse d’Epargne, mis en constante concurrence les uns avec les autres. Un deuxième niveau de compétition était établi entre les agences de la région. C’est sur la base des résultats de ce benchmark que la part variable de la rémunération de chaque salarié était calculée.
Depuis que le système a été mis en place en 2007 « à l’initiative d’Olivier Klein (aujourd’hui membre du directoire de Banque Populaire - Caisse D’Epargne) », précise le syndicat SUD-BPCE dans un communiqué, plusieurs rapports de médecins et d’inspecteurs du travail, mais aussi d’assistantes sociales, d’un cabinet d’expertise, des instances représentatives du personnel et du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ont alerté sur l’émergence de risques psychosociaux liée à cette organisation du travail.
« Avec un tel système, le seul objectif qui existe est de faire mieux que les autres et tout est remis en question chaque jour, ce qui crée un stress permanent » et compromet « gravement » la santé des salariés, peut-on lire dans le jugement.
Le TGI interdit donc aux Caisses d’Epargne de la région Rhône-Alpes Sud de recourir à ce système, (sans toutefois fixer d’astreinte), et condamne la société à payer au syndicat Sud la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts. La Caisse d’Epargne Rhône-Alpes a fait appel de cette décision.
Paul Bouaziz, avocat au barreau de Paris, spécialiste en droit social et ex-secrétaire général de l’Association française de droit du travail, salue cette décision de justice, dans un entretien qu’il nous a accordé
Terraeco : Cette décision de justice est-elle une bonne nouvelle pour les salariés ?
Paul Bouaziz : Oui. Elle est même très importante. Elle reconnaît que l’employeur a procédé à une modification substantielle et abusive des conditions de travail des employés. Le fait de mettre en concurrence les salariés n’est ni dans le code du travail ni dans le contrat de travail. Or, on ne peut pas modifier un contrat de travail comme cela, sans modifier la loi. Mais le plus intéressant dans cette décision, c’est que le juge ne se contente pas de dire à la Caisse d’Epargne Rhône-Alpes « vous êtes un méchant ». Il lui dit aussi « je vous interdis de faire ». C’est une avancée supplémentaire dans l’évolution du droit du travail.Comment cela ?
Cette décision dit très clairement que l’obligation de préserver la santé des salariés pèse sur l’entreprise et que cette dernière ne doit pas se contenter de prendre des mesures pour faire de son mieux. Elle n’a pas une obligation de moyens mais une obligation de résultats, concrets et positifs pour la santé des salariés. Or ce système d’organisation du travail est générateur de stress auprès des salariés, entraîne donc des risques psychosociaux et, pour certains, un état dépressif réactionnel.Et donc, pour sanctionner ce manquement à cette obligation de résultats, le juge ordonne à la banque d’arrêter d’employer le benchmark comme organisation du travail...
C’est relativement nouveau dans le droit du travail. Pendant longtemps, les juges ont considéré que les employeurs étaient les maîtres chez eux et donc que la justice ne pouvait pas agir sur eux autrement qu’en leur faisant payer des dommages et intérêts. Tout ne se résout plus par des sous mais par l’ « interdiction de faire ». Que la justice le dise, c’est une étape très importante. Espérons que cette décision fasse des petits.
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