Bouter les voitures polluantes hors des centres-villes ? Le projet, un temps envisagé, vient d’être étouffé. La ministre de l’Ecologie Delphine Batho vient de signer l’arrêt de mort des Zones d’actions prioritaires pour l’air (Zapa).
Ce dispositif lancé par Nathalie Kosciusko-Morizet et inscrit dans la loi Grenelle II de décembre 2010, prévoyait de réduire la circulation des véhicules les plus polluants dans les centres des villes de plus de 100 000 habitants. Il aurait dû entrer en application début 2013 dans sept villes tests, pour enfin mettre la France en conformité avec les exigences de la directive européenne sur la qualité de l’air. Il ne verra finalement pas le jour.
D’autres pistes étudiées en priorité
A l’issue d’une réunion jeudi avec les représentants des sept villes prêtes à tester ce dispositif, la ministre a annoncé à La Croix que « si certaines villes souhaitent toujours mettre en place des Zapa, nous n’allons pas les décourager. Mais nous allons étudier d’autres pistes ».
La raison de ce revirement ? Le dispositif, tel qu’il était prévu par l’ancien gouvernement, a été jugé « socialement injuste ». En effet, les collectivités avaient la possibilité d’interdire l’accès à leur centre-ville des voitures immatriculées avant 1997, voire avant 2006, selon le degré de restriction qu’elles choisissaient. D’après les calculs de 40 millions d’automobilistes, cela voulait dire exclure des Zapa entre 3 et 17 millions de véhicules. Et donc pénaliser les propriétaires de voitures anciennes qui n’avaient pas les moyens d’investir dans une plus récente, moins polluante.
Ne pas pénaliser les plus modestes
« Il n’est pas souhaitable de prendre des mesures de restriction de la circulation qui pénaliseraient les citoyens les plus modestes et qui pourraient être perçues comme une injustice sociale. D’autant que l’impact de ces restrictions de circulation sur la qualité de l’air fait débat », a déclaré la ministre dans La Croix.
En effet, d’après une étude d’Air Parif, en Ile-de-France, la circulation automobile est responsable de 25% de la pollution, soit autant que le chauffage et moins que les industries (30%). Les 20% restants sont le fait des activités agricoles. « On tape toujours sur les automobilistes alors qu’il y a d’autres pistes à étudier pour réduire la pollution de l’air », estime Etienne Coyault, chargé d’étude pour 40 millions d’automobilistes.
Des usagers rassurés
L’association de défense des usagers de l’automobile se dit ainsi « rassurée » par ce qui s’apparente pour elle à l’abandon des Zapa telles qu’elles avaient été imaginées. Elle reste cependant sceptique sur les propositions alternatives évoquées par la ministre, qui propose d’encourager « le covoiturage, l’usage de véhicules utilitaires non polluants ou encore de limiter la vitesse sur les autoroutes urbaines ». Cette dernière mesure ouvrirait, selon l’association « la porte aux revendications de ceux qui souhaitent une réduction généralisée de la vitesse maximale autorisée sur l’ensemble du réseau routier ». Et ça, ce serait mal. Pour plusieurs raisons. Environnementales d’abord : « Faire rouler les voitures sur le périphérique parisien à 70km/h au lieu de 80km/h – ce qui est le projet de Mme Batho –, ça veut dire les faire rouler en quatrième et non en cinquième. Or la quatrième est la vitesse à laquelle on consomme le plus de carburant », explique Etienne Coyault.
Sécuritaires ensuite : « Si on doit rouler moins vite sur les autoroutes, à quoi bon payer pour les emprunter ? Or, seuls 5% des accidents mortels se produisent sur les autoroutes, qui sont le réseau routier le plus sûr. » Et, pour finir, économiques. Etienne Coyault rappelle à cet égard que les Pays-Bas et l’Angleterre envisagent d’augmenter les vitesses autorisées sur autoroute, de 120 km/h à 130 km/h, afin de permettre un gain de temps, pour les déplacements d’affaire notamment.
Pour sa part, Nathanaël Gagnaire, membre du bureau national de la Fédération française des motards en colère (FFMC), estime que « le deux-roues devrait faire partie des solutions de report modal ». Et rappelle que « si on troque 10% des voitures contre des deux-roues, on a 40% d’embouteillages en moins. Si on remplace 25% des voitures, on n’a plus d’embouteillages du tout et donc moins de pollution ! »
Un comité interministériel sur la qualité de l’air devrait déboucher sur des mesures concrètes en janvier prochain.
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