La technologie quatrième génération (4G) déboule par petites touches dans l’Hexagone. SFR et Orange ont ouvert la semaine passée leur réseau dans certains quartiers de la capitale, avant qu’il ne s’étende progressivement à toute la France. Nantes, Lyon, Montpellier ou Marseille disposent déjà de l’équipement qui offre un débit cinq fois supérieur à la 3G.
Cette Ferrari du surf sur tablette ou mobile a débarqué la veille de l’étude, par l’Assemblée nationale, d’une proposition de loi déposée par le groupe Europe Ecologie - Les Verts (EELV) sur les ondes électromagnétiques. Le texte initial prévoyait justement l’application du principe de précaution à l’égard de ces ondes présentes dans les technologies sans fil (téléphone portable, 3G, Wifi, Wimax... et 4G). Un télescopage qui aurait pu limiter l’expansion de la nouvelle technologie.
Sauf que, déjà fortement expurgé en commission avant son étude en séance à l’Assemblée, le texte n’a finalement même pas été débattu, jeudi soir. Le groupe socialiste à l’Assemblée l’a renvoyé – à la demande du gouvernement - à l’étude de la Commission des affaires économiques. Ainsi écarté, le texte ne devrait, au mieux, faire son retour à l’agenda parlementaire que dans quelques mois.
Coïncidence des agendas ou événements largement imbriqués ? On fait le point.
La 4G, ça fonctionne comment ?
Avec la technologie 4G, la vitesse d’accès à Internet via le portable devrait être similaire à celle proposée par la fibre optique sur ordinateur. Mais avant de développer la 4G, il a fallu attendre que des fréquences se libèrent sur le réseau hertzien, très embouteillé. Car en plus de la téléphonie mobile, les ondes radio sont aussi utilisées par la télévision, la radio, le Wifi, les plaques à induction, les portiques antivol, etc.
C’est en 2011 que les fréquences 800 mHz et 2 600 mHz (au préalable utilisées respectivement par la télévision analogique et par l’armée et les radars de l’aviation civile) ont été cédées par l’Etat aux opérateurs de téléphonie mobile contre 3,6 milliards d’euros. Juteux business. Pour que la technologie se développe sur le territoire, il est nécessaire de régler sur les nouvelles fréquences une partie des 60 000 antennes-relais déjà déployées sur le territoire, ou d’en installer de nouvelles. Et de mettre au point des téléphones susceptibles de les capter.
Quels effets sur notre niveau d’exposition aux ondes ?
Un décret publié en 2002 fixe les seuils maximum d’exposition aux ondes électromagnétiques dans une fourchette entre 41 et 61 volts/mètre (V/m). C’est énorme. Et, fort heureusement, jamais atteint dans l’espace public. D’après l’Agence nationale des fréquences l’exposition moyenne ambiante du public aux ondes électromagnétiques, toutes sources confondues, est de 0,9 V/m.
Toujours d’après cette Agence, dont le rôle est de veiller à l’application des seuils réglementaires, le déploiement de la 4G « ne va pas systématiquement augmenter le niveau d’exposition aux ondes électromagnétiques ». En effet, nous explique un haut cadre de cette structure qui ne souhaite pas être nommé, « l’antenne 4G que l’on place sur un pylône prévu à cet effet, et qui supporte déjà des antennes 2G et 3G, ne sera pas nécessairement orientée dans la même direction que les 2G ou 3G ». Donc les ondes ne se cumuleraient pas nécessairement toutes au même endroit. Et quand bien même. Une antenne émet davantage d’ondes quand un utilisateur de portable la « sollicite » en émettant ou recevant un appel. « Si on ajoute une antenne 4G là où il y a une 2G et une 3G, le trafic entre les trois va s’équilibrer, puisque l’utilisateur de la 4G est un utilisateur en moins pour la 2G ou la 3G. Donc l’augmentation du niveau d’exposition aux ondes liée à la 4G sera, au global, faible voire insignifiante. »
Mais pas nulle. Preuve en est la nouvelle charte signée par le Conseil de Paris en octobre 2012 en prévision de l’arrivée de la 4G. Alors que depuis 2003 la charte établissait, sur le territoire de la capitale, un seuil maximal d’exposition ambiante aux ondes électromagnétiques de 2 V/m (soit très loin des seuils officiels), elle a relevé en octobre 2012 ce seuil à 5 V/m pour la 2G et la 3G. Et prévoit que l’on puisse atteindre 7 V/m quand la 4G aura été largement déployée.
« L’installation de la 4G va forcément se traduire par une hausse des niveaux d’exposition », estime Janine Le Calvez, président de l’association Priartem (Pour une réglementation des implantations d’antennes relais de téléphonie mobile). « C’est normal, nous explique-t-on à la Fédération française des Telecoms, qui représente les opérateurs de téléphonie mobile. Prenez un verre à moitié plein. Ajoutez lui un peu d’eau, il sera un peu plus plein. »
Mais quelles conséquences pour la santé ?
C’est là que les versions s’opposent. Pour la FFTelecoms - qui préfère d’ailleurs nous répondre sur un fixe que sur un portable - les ondes électromagnétiques sont sans effet sur la santé au niveau d’exposition que nous connaissons.
Les antis rappellent, eux, ces quelques éléments :
- les radiofréquences des technologies sans fil sont classées comme possiblement cancérigènes par le Centre international de recherche contre le cancer (CIRC), organe de l’OMS (Organisation mondiale de la santé), depuis 2011.
- Le Conseil de l’Europe a recommandé d’abaisser le seuil global d’exposition à 0,6 V/m en 2011 (un seuil qui n’est en vigueur nulle part dans le monde).
- L’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) a elle recommandé en 2009 de diminuer autant que possible l’exposition du public aux ondes électromagnétiques.
L’association Robin des toits estime donc qu’« avec la 4G, il y a bien des niveaux d’exposition supérieurs et donc une toxicité supérieure de ces ondes sur les personnes ». Marc Cendrier, conseiller scientifique de l’association, a pris des mesures dans les villes où la 4G est déjà implantée, à Nantes notamment, où une cinquantaine d’émetteurs ont été installés. « La quantité des signaux est supérieure pour la 4G que pour la 3G, l’intensité des ondes qui entrent dans l’organisme est supérieure également », affirme-t-il, sans pour autant étayer ces propos.
Pour Isabelle Cari, membre du bureau national Priartem, l’arrivée de la 4G revient une fois de plus à « ajouter une exposition aux radiofréquences sans avoir fait d’étude sur les conséquences sur la santé ». C’est bien ce principe de précaution que réclamait Laurence Abeille, rapporteure de la proposition de loi. Pour Denis Baupin, député EELV, « le gouvernement considère que les opérateurs mobiles ont la priorité sur les citoyens, véritables cobayes de la 4G ». Car aucune étude d’impact sanitaire n’a été menée avant de mettre cette technologie sur le marché. C’était pourtant écrit dans l’accord de gouvernement PS-EELV, signé avant la victoire de François Hollande : « Nous appliquerons le principe de précaution sur les champs électromagnétiques. »
Principe de précaution vs principe de réalité
Pour la ministre de l’Economie numérique, Fleur Pellerin, qui gère ce dossier, il faut se garder des « peurs irrationnelles » liées aux ondes radioélectriques, dont « la dangerosité n’est pas scientifiquement étayée ».
A l’Assemblée nationale jeudi soir, elle a déclaré que la proposition de loi EELV « aurait retardé considérablement le déploiement du réseau de téléphonie mobile, en particulier celui de la 4G, au détriment des utilisateurs mais aussi des opérateurs qui y voient une source de création de valeur, vitale en cette période ». Elle ajoute que « la vraie question n’est pas tant celle des antennes relais que des téléphones portables » qui, collés à notre tête, sont les principales sources d’ondes électromagnétiques. Elle propose de diffuser davantage les kits main libre.
Laurence Abeille lui rétorque que développer le filaire, et notamment la fibre optique, représenterait un investissement de 20 milliards d’euros. « Si la préoccupation est celle de l’économie et de l’emploi, alors la bonne politique à mener est celle qui doit développer la fibre », a déclaré la députée à l’Assemblée.
La ministre préfère attendre que l’Anses rende un nouveau rapport, en juin, sur les ondes électromagnétiques avant de déterrer, éventuellement, la proposition de loi EELV. Profondément enfouie jusque-là.
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