Quand le battement de feuille d’une plante amérindienne provoque un tsunami dans l’agroalimentaire. En cause : la stévia qui pourrait ébranler des géants tels que Merisant, société connue en France sous la marque Canderel. Son pouvoir sucrant se montre en effet 200 fois supérieur à celui du saccharose et elle affiche zéro calorie. Une concurrente de poids pour l’industrie mondiale qui fait son beurre avec le light.
Premier séduit : le Japon
Depuis des millénaires, les Indiens Satere Mawe, qui vivent à cheval entre le Brésil et le Paraguay, utilisent la « plante à miel » pour adoucir leurs boissons. Ce n’est pas encore le cas des gourmets européens, car l’arbuste peine à se faire une place sur le marché des édulcorants. Ailleurs dans le monde, la petite plante est pourtant très communément employée. Dans les années 1980, le Japon avait interdit le sucralose, un édulcorant artificiel puissant. La stévia en avait alors profité pour rafler 40 % des parts du marché du créneau sur l’archipel. La plante est également autorisée en Australie, en Nouvelle-Zélande et abondamment cultivée en Chine.Mais l’Europe résiste. « Les lobbies du sucre et des édulcorants ont tout fait pour éviter l’introduction de la stévia : tentative de corruption de députés européens, études biaisées, mensonges... Le but était d’empêcher la stévia d’intégrer le marché des édulcorants européens », précise Jan Geuns, professeur à l’université de Louvain et président de l’Association européenne pour la stévia à Bruxelles. Longtemps, ces lobbies ont en effet jeté l’opprobre sur l’arbuste, l’accusant d’être un contraceptif puissant. « Enfin, en juin 2008, le comité d’experts de l’Organisation mondiale de la santé a défini une dose journalière admissible », précise-t-il, soulagé. Il aura fallu combattre près de dix ans pour cela.
Condamnée pour tromperie
Dix ans, c’est aussi la durée du combat de Claudie Ravel pour introduire ce produit en France. Cette femme à la chevelure flamboyante a fondé la société Guayapi Tropical, spécialisée dans l’importation de produits d’Amérique du Sud. En décembre, elle a même été condamnée pour tromperie. Sa faute ? Avoir vendu de la poudre de feuilles de stévia comme « complément alimentaire à fort pouvoir sucrant ». Or, pour la complexe législation européenne, la plante doit d’abord faire l’objet d’un classement à part (lire ci-dessous).D’autres sociétés voudraient bien incorporer les composants de la plante, les stéviosides (glycosides et rebaudiosides) dans des préparations culinaires. En 2006, Joël Perret, fondateur de la société Greensweet a déposé les premières demandes d’autorisation en France, poussant les instances de contrôle à mener des études. Pendant deux ans, les avis successifs ont conclu à une « incertitude sur l’innocuité de la plante ». Mais fin 2008, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments a tranché, n’autorisant l’utilisation que d’un seul composé sucrant, le rebaudioside A. De guerre lasse, Joël Perret s’est tourné vers la Suisse, où tous les composés de la plante ont obtenu un feu vert en septembre. Il fournit ainsi du concentré sucrant à la société helvète Storms Drinks qui commercialise des sodas bio.
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