« La fiscalité écologique c’est pas maintenant », serait-on tenté de dire, pour paraphraser le slogan de campagne du président de la République. A la suite de la publication du désormais célèbre rapport de Louis Gallois sur la compétitivité, plusieurs députés ont interrogé le Premier ministre, ce mardi, à ce sujet. En réponse à des questions posées par les députés Jean-Louis Borloo et François de Rugy, Jean-Marc Ayrault a notamment précisé la position du gouvernement sur la question de la fiscalité écologique.
En premier lieu, le Premier ministre a annoncé une baise du taux de TVA sur les dépenses d’énergie.
« À partir du 1er janvier 2014, la TVA sera modulée. Le taux maximum augmentera de 0,4 point, le taux intermédiaire passera de 7 à 10 %, et le taux minimal baissera de 0,5 point pour l’alimentation et les dépenses d’énergie, qui constituent l’un des postes les plus importants dans le budget des ménages. » (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste.)
Concrètement et sous réserve de précisions, ce sont sans doute les hydrocarbures qui devraient bénéficier de cette baisse de TVA. Il n’est pas certain que l’argent public ainsi dépensé ne l’aurait pas mieux été en aidant les ménages les plus modestes à ne plus dépendre de ces sources d’énergies qui, invariablement, ne pourrait que devenir de plus en en plus chères.
En second lieu, le Premier ministre a annoncé la « mise en oeuvre » d’une fiscalité écologique en 2016 :
« …une fiscalité écologique sera mise en œuvre en 2016. C’est un plan cohérent, complet, qui n’est bien sûr pas limité à la question du coût du travail, mais qui lance un signe fort, que vous n’avez jamais eu le courage de réaliser et que nous entreprenons. (Protestations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) »
En troisième lieu, le motif de ce renvoi à la fin du quinquennat du chantier de la fiscalité écologique a été ainsi présenté :
« Le financement se fera par étapes avec une partie de fiscalité écologique, que vous venez d’évoquer à l’instant. Mais je ne souhaite pas que cette fiscalité écologique soit mise en œuvre de façon unilatérale sans laisser le temps à la discussion : ce sera précisément l’objet du débat sur la transition énergétique qui va commencer dans quelques jours, et je sais que vous y participerez. »
Trois ans de débats semblent donc nécessaire au gouvernement pour mettre en œuvre une fiscalité écologique. C’est très regrettable. Aucune transition écologique et énergétique n’est réellement possible sans réforme de notre fiscalité. Le message que vient d’envoyer le gouvernement vient confirmer celui qui avait été diffusé lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2013 : l’écologie en temps de crise n’est pas une priorité. Malheureusement, l’écologie est de nouveau opposée à l’économie alors qu’elle représente pourtant les marchés et les emplois de demain. Il paraît bien difficile d’anticiper la hausse du coût de l’énergie sans fiscalité écologique, sans adaptation du cadre juridique relatif aux économies d’énergie et aux énergies renouvelables et en dépensant de l’argent pour tenter de contenir la hausse du coût des hydrocarbures.
En réalité, le gouvernement semble avoir pour priorité de tenter de contenir le prix de l’énergie. Ce sentiment est renforcé à la lecture du pacte de croissance présenté ce jour :
« L’attractivité du territoire français repose sur la performance de ses infrastructures de transport et d’énergie et sur la qualité de ses services publics. Tout en engageant notre société dans une nécessaire transition de son modèle énergétique, le Gouvernement veillera à préserver l’avantage compétitif qu’il procure aujourd’hui à notre tissu productif, en particulier pour les industries électro-intensives. La réforme de notre système de transport ferroviaire est également engagée en faveur d’un meilleur service rendu aux usagers. »
On peut lire entre les lignes, comme le fait Actu-environnement, que la performance des infrastructures d’énergie dépend d’une énergie bon marché. Un parti pris qui date de la conférence sociale de juillet dernier.
Or, aucun changement véritable n’aura lieu sans révolution fiscale. Loi de finances après loi de finances, la complexification sans cesse accrue du code général des impôts n’offre pas de solution pérenne. Son principal effet est de réduire sans cesse la lisibilité d’un système fiscal qui suscite des analyses contradictoires. Pour répondre à la question du coût de l’énergie et créer les conditions d’une économie prospère, il conviendrait de reprendre, comme les acteurs du Grenelle de l’environnement l’avaient appelé de leurs vœux, le chantier de la contribution climat-énergie, autrement appelée « taxe carbone ». Il faut également revenir aux conclusions de la Conférence Rocard organisée en juillet 2009. Et lever un obstacle juridique. Le Conseil constitutionnel, par une décision n° 2009-599 DC – 29 décembre 2009 avait en effet déclaré contraires à la Constitution les dispositions de la loi de finances pour 2010 tendant à créer une « contribution carbone ».
A l’occasion des Etats généraux sur la modernisation du droit de l’environnement annoncés par le gouvernement, un groupe de travail pourrait être utilement formé sur la question des suites à donner à cette décision du Conseil constitutionnel. Et permettre ainsi de forger l’instrument fiscal qui complètera efficacement la réforme des tarifs de l’énergie.
Cet article a été initialement posté sur le blog d’Arnaud Gossement
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