Comment un pays en développement parvient à augmenter ses richesses et à embaucher des milliers de personnes ? Grâce aux largesses d’un investisseur chinois ? Faux. A la découverte d’un gisement de pétrole ? Faux. En misant sur le développement durable ? Bingo !
La preuve. Peu après son indépendance de l’Afrique du Sud en 1990, la Namibie réorganise son économie. Le gouvernement de ce pays dit du « Sud », classé 130e rang mondial selon son produit intérieur brut (PIB), se lance dans la valorisation d’un secteur phare : la pêche. Il promulgue une législation basée sur une gestion à long terme des richesses halieutiques. A cette date, cette ressource ne représente que 4% du PIB. Elle atteint 10,1% en 1998 et le pays crée jusque 14 000 emplois.
Les raisons d’un tel succès ? Avoir parié non seulement sur la production croissante de richesses, mais surtout sur la protection de l’environnement et la résorption des inégalités. Car si la Namibie avait poursuivi l’exploitation forcenée, elle aurait grillé toutes ses cartouches d’un coup.
Une croissance oui, mais une croissance verte
Ces vingt dernières années, la croissance économique mondiale a sorti 660 millions de personnes de la pauvreté. Une croissance qui, pourtant, n’a jamais été autant responsable d’exclusions. Cette conclusion est rendue par la Banque mondiale dans son rapport « un chemin vers le développement durable » publié ce jeudi 10 mai et présenté au Global Green Growth Summit à Séoul (Corée du Sud).En 1992, le sommet de la Terre de Rio (Brésil) s’était focalisé sur l’aspect social et environnemental, « mais avait oublié de mentionner la croissance ». Plus d’un mois avant le sommet Rio+20 (du 20 au 22 juin), les auteurs du rapport, les économistes Marianne Fay et Stéphane Hallegate, rappellent l’importance d’inclure cette notion dans les débats.
Le rapport martèle que « la croissance inclusive doit être verte ». En clair, il s’agit de concilier d’une part la croissance rapide, nécessaire à la prospérité des pays et surtout à celle des pays en développement, et d’autre part, l’impératif d’une meilleure gestion de l’environnement. L’un n’allant pas sans l’autre.
Une solution peu coûteuse
Contrairement à ce qui est dit communément, opter pour un mode de production de richesses qui soit durable n’est pas plus coûteux. L’étude soutient que la croissance dite « traditionnelle » n’est pas pérenne et gaspille les ressources naturelles. En gérant ces matières premières avec une visée à court terme, les États se mettent une balle dans le pied. En prenant comme exemple l’agriculture, le rapport rappelle qu’avec la croissance actuelle – qui a permis l’enrichissement des populations – la production agricole s’est étendue et intensifiée, générant une destruction de l’écosystème. Entre 2000 et 2010, 5,2 millions d’hectares de forêts ont été abattus chaque année, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
Or, « investir dans le capital naturel est une bonne politique de croissance », explique le rapport. La Chine a par exemple lancé, sur le plateau de Loess, un programme de protection de l’écosystème, de reforestation et de restauration des rizières. Dans la foulée, le revenu des ménages a presque doublé, grâce à l’amélioration de la production agricole. Les travaux ont permis de réduire les inondations et les glissements de terrain et de renforcer la résistance à la sécheresse. Autrement dit, investir dans l’environnement, c’est faire d’une pierre deux coups : protéger les ressources et stimuler l’économie.
« Dire que les pays pauvres devraient d’abord se focaliser sur les besoins humains, étant donnée leur faible empreinte carbone, est une erreur » , insiste le document de la Banque mondiale. Mais pourquoi donc des individus qui luttent pour se nourrir et se loger verraient la protection de la biodiversité ou la lutte contre le changement climatique comme une priorité ? Parce que, répond l’étude, « l’environnement local affecte leur quotidien, avec un impact significatif sur leurs revenus et leur qualité de vie ». Ces pays ont justement intérêt à suivre dès aujourd’hui une voie de croissance plus verte que celle des nations industrialisées. La Banque mondiale assure qu’il serait bien plus coûteux pour eux d’attendre avant de s’intéresser à l’environnement. Pourquoi remettre à demain ce que l’on peut faire aujourd’hui, en sachant pertinemment que demain... ce sera pire ?
Et l’inertie politique tua la création d’emplois
Alors si la formule magique existe, pourquoi les États traînent-ils à l’adopter ? Les auteurs du rapport expliquent qu’une telle croissance « bute sur l’inertie politique, l’inertie des comportements et le manque d’outils de financement ». Pourtant, les gouvernements qui ont misé sur cette manière de produire et de consommer, ont vu leur PIB augmenter. Et ce, pour les États les moins développés comme les plus industrialisés.
La Corée du Sud est aujourd’hui « le plus vert de tous les pays, avec 80% des fonds investis dans des projets à destination de l’environnement », comme le développement des énergies renouvelables, des bâtiments économes en énergies, des véhicules à faible consommation de carbone, du chemin de fer, et une meilleure gestion de l’eau et des déchets, etc. Ces programmes ont permis, selon les chiffres de la Banque mondiale en 2010, de créer 500 000 emplois.
En 1987, le Premier ministre norvégien Gro Harlem déclarait : « Ce dont nous avons besoin est une nouvelle ère de croissance économique, une croissance forte et en même temps durable, pour l’environnement et pour la société. » C’était il y a 25 ans.
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