- Mise à jour le mardi 5 mars 2013 : La ministre de la Santé, Marisol Touraine, a annoncé sur France Info avoir « commandé une enquête » sur la cigarette électronique et a estimé qu’il fallait faire « preuve de prudence » avec ce produit « qui s’est beaucoup répandu ».
- Mise à jour le 31 mai 2013 : La ministre française de la Santé Marisol Touraine a annoncé sur France Info son intention d’interdire la cigarette électronique dans les lieux publics et aux moins de 18 ans.
Farid aspire profondément. Concentré, il goûte une nouvelle saveur de tabac. « Celui-ci est encore un peu trop doux, mais il n’a pas d’arrière-goût écœurant. » Parole de spécialiste. Cet homme de 54 ans à la voix grave, qui a passé 40 années de sa vie avec une clope au bec, exhale un brouillard blanc, inodore.
Contrairement aux apparences, Farid a arrêté de fumer. C’était un lundi matin d’octobre. Adieu, les trente cigarillos par jour. « Pas le choix, mes poumons sont entamés », explique-t-il. Le vendredi suivant, il est de retour dans la boutique Alter Smoke, dans le 8e arrondissement de Paris, où il avait acheté sa cigarette électronique (e-cig) rechargeable. Il vient s’approvisionner en munitions. Mais à la place de paquets de 20, il repart avec des flacons de 30 ml de e-liquide, le produit qui provoque la vapeur blanche. Le magasin en propose quelque 60 saveurs – tabac, fruits, bonbons, épices, etc. -, sur les 250 disponibles en France. Elles sont déclinées en versions plus ou moins (voire pas du tout) chargées en nicotine. Pour Farid ce sera un récipient en contenant 19,9 mg/ml, la dose maximale autorisée.
Le hit du vapotage
Dans ces bouteilles, il y a surtout du propylène glycol - reconnu inoffensif quand vaporisé selon l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) et/ou de la glycérine végétale, auxquels sont ajoutés des arômes, de l’alcool, un peu d’eau et de la nicotine. La recette diffère selon les fabricants, mais a pour effet de procurer à l’ancien fumeur le même « hit » qu’avec du tabac, c’est-à-dire la même sensation de contraction de la gorge lors du passage de la fumée. Mais Farid ne fume plus, il vapote désormais.Vapo-quoi ? Le terme, qui n’existe pas encore dans le dictionnaire, désigne l’acte de tirer sur une e-cig et, ce faisant, d’activer la batterie qui met en route la résistance présente dans l’« atomizer ». Elle chauffe entre 30 et 60°C, selon les modèles, le e-liquide versé dans une cartouche qu’on appelle le « clearomizer ». Aspiré, le produit se transforme en vapeur. On a l’impression que le vapoteur fume mais ce n’est pas le cas. Car il n’y a pas de fumée sans feu !
Une aide au sevrage ?
Arrivée en France voilà cinq ans, la cigarette électronique est un marché en plein essor depuis deux ans. Mickaël Hammoudi, président du Collectif d’achat de la cigarette électronique, recense cette année « un million de consommateurs en France pour un chiffre d’affaires du secteur d’environ 20 millions d’euros ». Il attribue ce boom naissant à trois facteurs : « Il y a eu un bond technologique au niveau du matériel, chinois à 99%, et qui est enfin de qualité. Cinq entreprises françaises se sont mises à fabriquer des e-liquides, ce qui rassure le consommateur, et les augmentations des prix du tabac incitent de plus en plus de fumeurs à choisir cette alternative à la cigarette », poursuit-il. Une e-clope coûte en moyenne 55 euros et un flacon de 30 ml, l’équivalent de 18 paquets, coûte 5,90 euros. On compte aujourd’hui quelque 180 sites internet de vente de e-clopes et une cinquantaine de boutiques en France. Elles ont aussi envahi les bureaux de tabac, les parapharmacies et les supermarchés.Depuis mai 2011 et une note de l’Afssaps (aujourd’hui Agence nationale de sécurité des médicaments) qui recommande de ne pas acheter ces produits, les pharmaciens n’ont plus le droit d’en vendre dans leurs officines. Parce que rien ne prouve que la cigarette électronique – dont les modèles récents ressemblent de plus en plus à un stylo plume - est une aide au sevrage tabagique. Rien ne prouve le contraire non plus...
Déconseillé aux femmes enceintes et aux mineurs
Aucune étude scientifique n’a à ce jour été publiée, démontrant que ce produit peut être considéré comme un médicament. « Mais, même si on n’est pas censé le dire, c’est ce qu’il y a de mieux pour arrêter de fumer. Notamment parce qu’on garde le geste », estime Guillaume Desazars, co-associé de La centrale vapeur, grossiste en cigarettes électroniques et e-liquides. « Il y a des arguments pour penser que c’est moins mal que le tabac », estime le Pr Bertrand Dautzenberg, président de l’Office français de prévention du tabagisme. On ne retrouve en effet pas le cocktail goudron, monoxyde de carbone, papier, etc. contenu dans une cigarette classique. De plus, « les fines gouttelettes exhalées ont une durée de vie de 11 secondes en moyenne, c’est 100 fois moins que la cigarette. Ce qui diminue les risques de tabagisme passif », poursuit le pneumologue.Malgré tout, le produit n’est pas inoffensif. Il est déconseillé aux femmes enceintes et ne devrait normalement pas être vendu aux mineurs, puisqu’il contient de la nicotine, substance qui rend dépendant si elle est administrée par « shoot ». « Il faudrait savoir si la nicotine vapotée reste en bouche ou descend jusqu’aux poumons. Si c’est le deuxième cas, la dépendance au produit sera rapide », prévient le professeur. Pour lui, il faudrait taxer les cigarettes électroniques comme relevant des produits du tabac. Les taxes récoltées pourraient financer des études sur ces produits et s’assurer que ce ne sont pas de simples écrans de fumée. Euh, de vapeur.
Les cigarettiers s’y mettent
« Les cigarettiers voient s’échapper une part de leur clientèle, qui se détournent des « tueuses » (les cigarettes classiques, ndlr) pour les e-cigs », explique Guillaume Desazars, de La Centrale vapeur. Pour les récupérer, le groupe Philip Morris a annoncé en juin vouloir mettre sur le marché une « cigarette à moindre risque » et électronique courant 2013. Par ailleurs, la société britannique CN Creative, qui fabrique et commercialise des e-liquides Outre-Manche, a décidé de faire reconnaître ses produits au titre de médicaments : elle a demandé, au Royaume-Uni, l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché, préalable à une demande d’AMM européenne. Dans le cadre de la révision de sa directive européenne sur le tabac, la Commission européenne pourrait interdire prochainement l’usage de la cigarette électronique, faute de connaître ses effets sur la santé. Un principe de précaution qui s’applique déjà dans certains Länders allemands, où la e-cig est interdite.
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