Les Bonnets rouges ne désarment pas. Manifestant violemment leur colère, ils réclament toujours la suppression pure et simple de l’écotaxe, « suspendue » le 29 octobre. A côté de ce mouvement, un autre émerge, plus discret : ce sont les Bonnets verts. Ceux-là s’opposent à la hausse de la TVA sur les transports publics (trains, métros, tramways, bus…) qui doit passer de 7 à 10 % au 1er janvier. Le mouvement, qui émane de l’Association des voyageurs-usagers de chemins de fer (Avuc) appelle les usagers à arborer un bonnet - vert justement - lors de leurs déplacements. Selon l’association, « une fiscalité juste est une fiscalité qui protège les plus fragiles, les moins aisés. C’est le cas de millions d’usagers qui empruntent chaque jour les réseaux de transport en commun », précise-t-elle dans un communiqué. Mais quel impact aura vraiment cette taxe sur les usagers ? Terra eco vous éclaire.
Le prix du ticket va-t-il forcément augmenter ? Probablement
« La répercussion de la TVA sur le prix du billet sera quasiment automatique, car ni les opérateurs, ni les collectivités ne voudront assumer ce coût », estime Yves Crozet, spécialiste de l’économie des transports. Mais « à trois mois des municipales, la tendance ne sera sans doute pas à l’augmentation tout de suite, tempère Claude Faucher, délégué général adjoint de l’Union des transports publics et ferroviaires (UTP). Certains réseaux ont déjà annoncé que la discussion se fera au printemps pour une augmentation au 1er juillet. » Reste que s’il est pour un temps épargné, l’usager réglera malgré tout la facture par la voie de ses impôts locaux, estime encore l’homme de l’UTP. « Les 300 millions de recettes que représente cette augmentation de la TVA, il faudra bien les trouver quelque part. Soit le prix du ticket augmentera pour l’usager, soit les AOT (Autorités organisatrices de transport : agglomérations, départements, etc) devront augmenter leurs subventions ce qui reviendra à peser sur le contribuable local, soit il y aura moins d’investissements et donc une diminution qualitative du service, ce qui pèsera à nouveau sur l’usager. Certains réseaux de transport feront l’un ou l’autre, certains feront un peu des trois. »
Cette augmentation s’ajoute à des années de hausse ! Faux
« Le ticket de métro, c’est de plus en plus cher, ma p’tite dame. » Non, contrairement à l’idée reçue, le sésame qui ouvre la porte du transport public urbain (métro, tramway, bus…) a été relativement épargné. Selon un rapport de l’UTP et du GART (Groupement des autorités responsables des transports) publié en juin 2012, sur l’ensemble des réseaux urbains français, le prix du ticket à l’unité a même carrément reculé de 4 % entre 99 et 2011 tandis que le tarif de l’abonnement mensuel a baissé de 7,2 %. Et ce, alors qu’au même moment l’indice des prix à la consommation progressait de 23 %. Dans une vingtaine d’agglomérations françaises, les transports publics sont même devenus gratuits Mais la réalité ne reflète pas forcément l’effet ressenti et la moindre augmentation alimente les aigreurs. « Le tarif du transport urbain affecte très directement les familles au quotidien. Il a une dimension symbolique très forte, comme le prix de la baguette de pain », assure Claude Faucher.
Reste que les usagers du rail ont eux des raisons de râler : selon l’Avuc (l’association à l’initiative du mouvement des Bonnets verts), le prix moyen du billet SNCF a augmenté en moyenne de 14 % ces cinq dernières années.
Les pauvres vont-ils être privés de métro ? Non
D’abord, la part du transport dans le budget des ménages reste très limitée : 3,3 % pour le transport ferroviaire, 3,4 % pour le transport routier de passagers, selon un rapport du ministère de l’Ecologie. Si l’on prend le transport dans son ensemble (voiture comprise notamment), la part du budget consacré aux transports a même reculé d’un point depuis 1990. Et le prix réglé par l’usager en ville reste globalement peu élevé en France par rapport à d’autres capitales européennes, notamment grâce aux subventions versées par les collectivités et à la participation des entreprises. Après, il y a le cas extrême de la famille en difficulté », note Yves Crozet. Pour celle-là, « il y aura un effet certain. Les plus démunis peuvent alors hésiter à prendre les transports pour aller au théâtre, au cinéma. Ca peut avoir un effet de réduction sur la demande des transports », souligne Claude Faucher. Effet limité toutefois. Alain Bonnafous, professeur émérite au Laboratoire d’économie des transports interrogé par le site Atlantico rappelait que « les plus démunis sont tout simplement captifs [des transports publics, ndlr], les plus aisés ont un plus grand consentement à payer et ne choisissent pas le transport public pour des raisons de prix. Historiquement, on a pu observer qu’une augmentation de 6 % ne diminuait pas la demande de plus de 2 %. » Pour la SNCF, la crainte est plus importante. Car la fréquentation est déjà en berne, la faute notamment à la concurrence de la route et des lignes aériennes low-cost : Le trafic TER, qui avait augmenté de 5,7% l’an dernier, a très légèrement baissé sur les neuf premiers mois de l’année 2013, celle des trains Intercités a reculé de 6,7 % et du TGV de 0,9 %.
Le transport public, un bien de première nécessité ? Ça dépend lequel
L’UTP réclame un retour non pas à 7 mais à 5,5 % pour les transports du quotidien (métro, bus, TER, etc) : « C’est un bien de première nécessité comme l’alimentation. C’est une nécessité absolue pour les Français, notamment les plus modestes, les étudiants qui doivent aller à l’université, les personnes âgées qui font leurs courses, vont à l’hôpital. 20 millions de personnes par jour prennent les transports publics du quotidien », estime Claude Faucher. Et pour les transports de loisirs, le TGV notamment ? Pour Yves Crozet : « Un billet de TGV n’est pas un bien de grande consommation, c’est un produit de luxe, il n’y a aucune raison qu’il ne soit pas taxé à 20 %. » Reste la clarté du message et la volonté pour le gouvernement ou non de favoriser le transfert du transport individuel au transport collectif. « Tout le monde souhaite moins de voitures et plus de transports publics mais augmenter la TVA va à l’encontre de ça. Ca ne va pas dans le sens de la défense de l’environnement et de la lutte contre le changement climatique », souligne Claude Faucher. Or, la voiture reste encore chère dans le cœur des Français. Selon un rapport de l’Insee, elle représente encore 88% des déplacements sur le territoire.
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