Sur les barquettes, la bobine d’une éleveuse, cheveux blonds et sourire un brin forcé. A côté d’elle, trône une estampille ronde flanquée de quelques feuilles vertes et de deux lettres : NA pour « Nouvelle agriculture ». Celle-ci garantit que le lapin qui repose dans votre barquette fut, au temps où il vivait encore, nourri avec de la luzerne et des graines de lin certifiées non-OGM. Mais aussi qu’il n’a jamais vu la couleur d’un antibiotique. Dans quelques jours, le porc – vendu sous forme de côtes par Super U - aura droit au même cachet. Mais quelle est donc cette nouvelle agriculture ? Une nouvelle chapelle vantée par des illuminés ? A regarder le communiqué de presse qui évoque le rôle de « Sentinelles de la terre », sorte d’agriculteurs testeurs, on s’interroge.
Dans les allées – bondées – du Salon de l’agriculture, le stand de La Nouvelle agriculture se fraie une existence, entre le ring où défilent des bêtes à concours et la salle de traite. Là, des hommes en tee-shirts marqués du logo NA content leurs principes aux visiteurs. La Nouvelle agriculture ? « C’est un concept qui a nécessité trois ans de travail, confie Marc Réveillère, éleveur du Maine-et-Loire et administrateur de la coopérative Terrena , qui porte le projet. On est parti de l’idée d’agriculture écologiquement intensive (AEI, ndlr) développée par Michel Griffon (agronome et ancien directeur scientifique du Cirad, Centre de coopération internationale en recherche agronomique, ndlr). De cette idée que demain il va falloir produire davantage pour nourrir une population mondiale en croissance mais aussi produire avec moins d’intrants. » « Le principe de l’AEI c’est qu’au lieu de forcer la nature avec des intrants chimiques, il vaut mieux imiter son fonctionnement et stimuler ses cycles biologiques : en améliorant par exemple la captation de la lumière, la circulation des éléments nutritifs… », abonde Patrick Caron, directeur général délégué à la recherche et à la stratégie au Cirad. « En théorie, cela doit effectivement permettre de produire au moins autant si ce n’est plus », poursuit l’expert.
Plancher chauffant et sondes pour mieux irriguer
Pour passer de la paillasse à la pratique, du cerveau de théoricien à la terre de leurs champs, la coopérative Terrena, un mastodonte du Grand Ouest, a convaincu 80 agriculteurs volontaires – les fameuses Sentinelles de la Terre – de tester pour elle de nouvelles techniques : plancher béton chauffant pour les volailles de l’un, sondes plongées dans le sol pour une irrigation optimale du maïs de l’autre… Une fois les techniques approuvées par les cobayes, ces dernières sont proposées aux agriculteurs de la coopérative sous forme de services payants. « C’est un message qui passe bien parce qu’il ne vient pas d’ailleurs, que ça passe par des agriculteurs qui ont envie d’innover. Les gens se disent : ’si lui il y arrive, pourquoi pas moi ?’ », souligne Marc Réveillère.Parvient-on effectivement à produire plus avec moins ? Oui, assure-t-il : « Si vous donnez de meilleures rations aux bêtes comme ce que propose Profilia (un service de Terrena qui vise à réajuster le régime alimentaire et à éviter les rejets de méthane, ndlr), vous aurez des vaches moins malades et vous aurez moins besoin d’antibiotiques. » Autant d’économies pour l’éleveur. « Oui, ça peut fonctionner, abonde Patrick Caron. Par exemple, l’association de différentes agricultures sur une même parcelle peut permettre de réduire la pression des ravageurs. Si elles ont un système racinaire différent, les plantes seront complémentaires en captant différemment les éléments nutritifs du sols ou la lumière. Ce sont des choses très simples, bien connues et documentées et qui permettent effectivement de produire plus. »
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions