C’est la plus importante usine de retraitement des déchets de Chine. Elle avale 2000 tonnes de détritus par jour et les transforme… en électricité. A terme, 146 millions de kilowatts heure devraient être produits chaque année depuis ce vaste complexe de Binhai, près de Tianjin à l’Est de Pékin. Plus de 13 hectares de haute technologie qui devraient permettre d’alléger un peu le fardeau de ces provinces côtières qui croulent sous les déchets ménagers et surtout industriels. Elle sera inaugurée en juin 2011. Mais l’usine de retraitement de Binhai reste l’arbre qui cache la forêt. On estime que plus de 90% des gravas ne sont pas recyclés. Ils s’entassent dans des déchetteries sauvages à ciel ouvert aux abords des grandes villes polluant les sols et les nappes phréatiques. Cela représente des milliards de tonnes de déchets.
« La plupart des déchets proviennent des chantiers de construction et ils sont entreposés illégalement aux alentours des grandes villes. Ils polluent et posent de graves problèmes. Au même titre que les déchets ménagers, ils ont un impact négatif sur l’environnement », explique Chen Jialong, professeur à l’Institut d’ingénierie civile de Pékin. Deux ans après le gigantesque plan de relance de l’économie chinoise - plus de 461 milliards d’euros – on commence à voir les effets pervers de cet afflux de capitaux. L’essentiel des fonds est allé aux travaux d’infrastructures. Ponts, routes, chemins de fer, complexes résidentiels et bureaux ont poussé comme des champignons. Actuellement 36 millions de logements sociaux sont en construction, une centaine d’aéroports et des milliers de kilomètres de voies ferrées. Sans compter les deux milliards de mètres carrés de bureaux et d’appartements construits chaque année. Les pelleteuses et les grues ont fleurit un peu partout. Résultat : le pays engloutit 40% du ciment et de l’acier produits dans le monde. La Chine n’est plus qu’un gigantesque chantier.
5% seulement de ces déchets traités légalement et à peine 1% recyclés
Revers de la médaille : rien n’a été prévu pour recycler et traiter les milliards de tonnes de déchets provenant de ces travaux. A Pékin, sur les 100 millions de tonnes de déchets produits quotidiennement, 40% viennent des chantiers de construction. C’est sept fois plus de déchets que dans les pays occidentaux. Mais 5% seulement de ces déchets traités légalement et à peine 1% recyclés. Le reste s’entasse dans des déchetteries sauvages au delà du 5ème périphérique de la capitale. Une véritable catastrophe écologique. Le métal ainsi abandonné rouille et contamine les sols et les nappes phréatiques. Le ciment pollue également en libérant des taux importants de carbonate de calcium. L’acidité des sols augmente et les cultures deviennent impossibles.Une réglementation sans effets
En circulant autour de Pékin, on croise ainsi des centaines de ces déchetteries sauvages où s’entassent des câbles, parpaings et briques. De quoi faire vivre une armée de petits recycleurs. De quoi surtout polluer les sols pour plusieurs générations. Pourtant la législation existe et oblige tous les promoteurs à recycler leurs déchets. Des textes restés lettres mortes et la plupart abandonnent clandestinement leurs détritus afin de limiter les coûts de construction.Il faut dire que les centres de retraitement des déchets sont encore rares dans le pays et l’usine modèle de Binhai reste une exception. Le plus important centre de la capitale chinoise, le « Yuantaida Buildings Materials Science and Technology Corporation » ne traite que 300 000 à 500 000 tonnes de déchets chaque année alors qu’elle pourrait en recycler trois fois plus. « Les promoteurs sont encore réticents à nous confier leurs déchets parce que nos coûts viennent alourdir leur facture, nous confie le directeur Wu Jianmin. Nous avons aussi du mal à être rentable car les briques que nous produisons par exemple à partir des déchets recyclés sont plus chères que les matériaux classiques. Nous ne sommes pas encore assez compétitifs. »
Aujourd’hui, seule une loi plus contraignante pourrait éviter à la Chine une nouvelle catastrophe écologique. Une loi que le gouvernement tarde à appliquer de peur de mettre un sérieux coup de frein à sa formidable croissance économique et à ses forêts de grues.
Cet article de Stéphane Pambrun a initialement été publié le 06/06/2011 sur le site de Novethic, le média expert du développement durable.
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