Jean-Christophe Dumont est expert des migrations internationales à l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques).
Terra eco : La France doit-elle accueillir davantage de travailleurs étrangers ?
Jean-Christophe Dumont : La France a un taux de migration de travail très faible. Cela représente 23 000 personnes environ, ressortissants européens compris. C’est beaucoup moins qu’en Grande-Bretagne – 137 000 personnes – et bien en-dessous de la moyenne de l’OCDE. Par ailleurs, le marché du travail français a un certain nombre de besoins, dans les professions qualifiées mais aussi dans la construction, les services domestiques, l’hôtellerie... Ces dernières années, la France a eu tendance a faire des allers-retours au niveau de sa législation. Il faut peut-être une réflexion approfondie sur notre attractivité et sur un système plus en adéquation avec nos besoins.
Y a-t-il des pays dont la France pourrait s’inspirer ?
Il y a un pays en Europe, la Suède, qui a ouvert totalement son marché du travail. Lors des discussions sur le Traité constitutionnel européen en 2004, le pays a d’abord craint un afflux massif de travailleurs étrangers. Sauf que très peu sont venus, parce que la Norvège voisine était plus attractive. La Suède a alors décidé de s’ouvrir d’avantage. Toute personne étrangère ayant une offre d’emploi respectant la législation et les accords de branches dans le pays peut y obtenir un permis de travail. Résultat, les arrivées ont augmenté mais n’ont pas explosé. Seuls les recruteurs qui peinaient à trouver de la main-d’œuvre y ont eu recours. Ça ne veut pas dire que le modèle suédois est nécessairement adaptable en France mais ça montre qu’un système d’immigration de travail ouvert et néanmoins sous contrôle est possible.
Faudrait-il également régulariser les sans-papiers en France ?
Les chiffres dont on dispose sont limités. On estime qu’il y a entre 200 000 et 400 000 personnes en situation irrégulière. Une circulaire a été prise cet été pour clarifier les critères de régularisation entre les préfectures. Il faut attendre d’en voir les résultats. Il est toutefois évident qu’une bonne partie de ces personnes ont déjà un emploi, et que les régulariser permettrait d’augmenter les rentrées fiscales. Les récentes grèves de sans-papiers ont été soutenues par les employeurs, qui assuraient qu’ils manquaient de main-d’œuvre. Cela invite à la réflexion.
Certains estiment qu’il faudrait assouplir globalement les conditions d’immigration pour compenser le vieillissement de la population. Qu’en pensez-vous ?
Il faut faire attention. L’immigration ne peut ni sauver un système de retraite, ni résoudre les problèmes structurels du marché du travail. Ça ne veut pas dire par contre que les migrations ne peuvent pas jouer un rôle. Aujourd’hui, le solde migratoire est très faible en France, l’immigration pourrait donc jouer un rôle plus important tant d’un point de vue démographique qu’économique. On pourrait également travailler davantage sur les conditions d’accueil. Je pense notamment aux migrations familiales, qui constituent la principale porte d’entrée. De nombreuses limites ont été introduites, notamment des critères de langue. Cela contribue à retarder ces arrivées, qui sont de toutes façons encadrées par le droit international. Ces retards ont un coût : les études montrent que plus l’arrivée est tardive, plus l’intégration au marché du travail est difficile.
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