Le 19 juillet, le docteur Xavier Emmanuelli, a jeté l’éponge. Le fondateur du Samu social dénonce ainsi le manque de moyens accordés par l’Etat. |
Depuis plusieurs semaines, les acteurs du logement s’égosillent pour dénoncer le désengagement financier de l’Etat dans le domaine de l’hébergement d’urgence. Leur principal financeur est de plus en plus avare. Mais derrière les colonnes de chiffres et les lignes budgétaires, des milliers de personnes sont condamnées à vivre dans la rue.
« Le point de départ a été la baisse de 3% entre 2010 et 2011 du budget national alloué à l’hébergement et à la lutte contre l’exclusion », relate Matthieu Angotti, directeur général de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS). La nouvelle intervient alors que la crise économique et sociale continue de produire des exclus. « On a toujours autant de personnes contraintes de vivre dans la rue, dit Matthieu Angotti. Les pouvoirs publics ont du mal à saisir la gravité actuelle de la situation et la détresse des gens ». D’après l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), la France compte quelque 250 000 personnes privées de logement et près de 2,9 millions de mal-logés.
En parallèle de cette diète, l’Etat a modifié la philosophie de son intervention. Lancée fin 2009, la « Refondation » (réforme du dispositif d’hébergement et de l’accès au logement) vise à privilégier l’accès à un logement ordinaire, sans qu’il y ait de passage obligatoire par l’hébergement. Problème, alors que le logement ordinaire souffre d’une pénurie, les solutions d’urgence sont restreintes.
En Ile-de-France, région où se concentre un tiers des sans-abri du pays, les répercussions se font particulièrement ressentir. L’enveloppe allouée à l’hébergement hôtelier d’urgence a fondu de 25%. Ce qui a poussé le patron du Samu social de Paris, qui gère notamment la plate-forme du 115 – numéro national d’urgence des sans-abri - , à pousser un coup de gueule. Le gouvernement « ne comprend pas ce qu’est l’urgence sociale », qui vise à « maintenir les gens en vie », a déploré Xavier Emmanuelli dans une déclaration publique.
« On met la charrue avant les bœufs, s’indigne aussi Christophe Robert, de la fondation Abbé Pierre. Le Ministère commence par réduire les capacités hôtelières sans qu’il y ait plus de logements disponibles. » Même incompréhension à la FNARS : « Il faut rentrer dans des logiques d’insertion, c’est sûr. L’urgence n’est pas la solution, dit Matthieu Angotti. Mais tant qu’on n’a pas construit des logements sociaux et qu’on n’a pas de travailleurs sociaux pour mettre en place de l’accompagnement, qu’est-ce qu’on fait ? Il faut bien accueillir les personnes à la rue. »
Selon les associations et les collectivités territoriales franciliennes, il manque déjà 13000 places d’hébergement en Ile-de-France. Dans ce contexte, des structures annoncent, de surcroît, qu’elles risquent de licencier du personnel et de réduire leurs capacités d’accueil. Déjà, fin juin, le Samu social de Paris a fermé son centre d’hébergement d’urgence Yves Garel dans le 11e arrondissement, faute d’argent. Les hommes seront relogés. Mais les femmes seront envoyées dans d’autres centres, déjà saturés.
« Nous avons l’impression que nos interlocuteurs sont autistes, fustige Philippe Martel, président de la fédération Interlogement 93, en Seine-Saint-Denis, qui regroupe 46 associations œuvrant dans le domaine du logement. Nous ne cessons d’alerter les institutions mais nous n’obtenons que des réponses budgétaires. Nous avons le sentiment d’un certain mépris. »
Les alertes finiront-elles par être entendues ? Ce mercredi, François Fillon a officiellement renoncé à une nouvelle coupe budgétaire en 2012, pourtant déjà annoncée. A la rentrée, le Premier ministre recevra le Collectif des associations unies, qui regroupe 31 membres au niveau national et qui lutte contre l’exclusion dans le logement. La discussion promet d’être placée sous le signe de l’urgence.
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