Les ventes de voitures ont baissé en janvier 2013 à leur plus bas niveau depuis 1990 en Europe. La voiture d’hier est bonne pour la casse. Celle de demain n’est pas encore sortie des chaînes de montage. Retrouvez le dossier que nous publiions en octobre dernier. |
« En novembre au Salon de l’auto / ils vont admirer par milliers / l’dernier modèle de chez Peugeot / qu’ils pourront jamais se payer / la bagnole, la télé, l’tiercé / c’est l’opium du peuple de France / lui supprimer, c’est le tuer / c’est une drogue à accoutumance. » Les paroles d’Hexagone (1975), de Renaud (le chanteur, pas le constructeur), sonnent plus juste que jamais. Le 9 octobre, toujours au Mondial de l’automobile, les salariés de chez Peugeot vont manifester par milliers contre la charrette annoncée : 8 000 postes supprimés par PSA (Peugeot-Citroën), qui compte fermer son usine d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) en 2014. Les Français ne peuvent vraiment pas s’offrir de voiture neuve, pas plus que les Italiens ou les Espagnols, clients traditionnels de PSA : ce dernier reste avec un paquet de modèles sur les bras.
Bouchon sur le marché européen
Le constructeur français, n° 8 mondial, prend en effet la crise en plein pare-brise : des ventes en berne (- 21,6 % en France au premier semestre 2012) et 200 millions d’euros de pertes mensuelles. A tel point que le groupe s’est fait éjecter du CAC 40, l’indice phare de la Bourse de Paris. Adieu veaux, lions, chevrons… Or, Peugeot est le platane qui cache le fossé. Toute l’industrie automobile frôle la sortie de route : elle ne produit plus que 2,2 millions de véhicules par an en France (3,5 millions en 2005). C’est encore trop, vu l’embouteillage des marchés européens, où les constructeurs se tirent la bourre sur les gammes « premium » (C3, Clio, Polo, Fiat 500, Yaris…). Sur le Vieux Continent, une dizaine d’usines et 80 000 postes pourraient même disparaître dans les années à venir, pronostiquent certains analystes. En France, les constructeurs ont déjà « dégraissé » 30 % de leurs effectifs en dix ans, et vont construire ailleurs (Turquie, Maroc, Europe de l’Est, etc.). Aujourd’hui, Renault ne fabrique plus qu’un quart de ses véhicules dans l’Hexagone. PSA fait mieux – un peu moins de la moitié de sa production est made in France, où il emploie 100 000 personnes –, ce qui rend plus sensible encore sa restructuration. Huit mille suppressions de postes en interne, c’est, selon les syndicats, 15 000 à 20 000 emplois menacés chez les sous-traitants.
Hollande et son hybride
Côté politiques, impossible de « désespérer Billancourt » (Lire le quizz) : la filière de production automobile représente plus de 600 000 salariés, dont les deux tiers chez les équipementiers. Le président François Hollande et son ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, sont d’abord montés sur leur 2 CV… Pardon, sur leurs grands chevaux, contre le plan « inacceptable » de PSA. Ils ont finalement opéré un virage à 180 degrés, convaincus par le rapport de l’expert Emmanuel Sartorius, qui juge « nécessaire » la fermeture d’Aulnay. Les salariés apprécieront… Pour ne pas trop afficher son impuissance, le gouvernement a dégainé cet été un nouveau train de mesures en faveur de la voiture propre. Il a notamment augmenté les primes du bonus-malus, qui passe ainsi de 5 000 à 7 000 euros pour l’achat d’un véhicule électrique. De quoi basculer enfin dans la « deuxième révolution automobile » ?
Après un siècle de quasi-immobilisme technologique lié au pétrole bon marché, la voiture a un difficile créneau à négocier, entre épuisement des ressources fossiles et lutte contre le changement climatique. Le constructeur qui inventera la bagnole durable aura une place au soleil. Les Français seront-ils en pole position ? Comme le soulignait perfidement le Canard enchaîné, le plan Montebourg va surtout relancer l’industrie… japonaise : sur 15 970 voitures électriques ou hybrides (moteur thermique + batterie électrique) vendues en France en 2011, plus de 80 % ont été fabriquées par une marque étrangère (essentiellement les Japonaises Toyota et Mitsubishi). Le plan pourrait néanmoins donner le feu vert au décollage de la voiture électrique, scotchée à 2 270 exemplaires immatriculés durant le premier semestre 2012. Et encore, en comptant les Bluecar d’Autolib’. Mais les 7 000 euros seront un gros coup de pouce à Renault, qui s’apprête à lancer la Zoé, 100 % électrique. D’autant que le gouvernement s’est aussi engagé à acquérir au moins 25 % de son parc en hybride et en électrique, à l’image de notre « président normal », qui roule en DS5 hybride. Le hic : en mode thermique classique, cette Citroën haut de gamme carbure au diesel ! Si elle consomme moins, elle émet des particules fines classées cancérogènes par l’Organisation mondiale de la santé.
Dans l’armoire avec le Concorde
Bref, la voiture officielle de l’Elysée illustre bien le délicat virage pour l’automobile française. Toujours grassement choyée par les finances publiques, y compris de façon détournée et incohérente (voir la baisse du prix des carburants annoncée cet été), cette industrie tarde à être à nouveau innovante et à la portée de tous. Pour ne pas être rangée dans l’armoire à côté du Concorde, dépassée par ses concurrents, voire doublée par l’autopartage et le vélo, elle ferait bien de consulter nos bonus-malus de la voiture durable. Soit 10 bonnes raisons de sauver l’industrie automobile française. Ou pas. —
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