Les vastes programmes d’austérité mis en place en Grèce depuis 2009 n’ont pas encore porté leurs fruits sur le plan financier. Mais ils ont malheureusement déjà transformé le pays, dont la situation sanitaire a considérablement régressé. C’est ce que montre une étude publiée dans la revue médicale britannique The Lancet.
Prostitution, consommation de drogues et HIV
L’enquête, menée par le sociologue David Stuckler et le docteur Martin McKee, montre que de plus en plus de Grecs renoncent aux soins. Un phénomène dû à une baisse des revenus mais surtout au manque de moyens et de personnels médicaux dans le pays : le budget des hôpitaux a par exemple baissé de 40% entre 2007 et 2009. Tant et si bien que le nombre de personnes indiquant être en mauvaise ou très mauvaise santé a crû de 14% au cours de ces deux années.
La situation est particulièrement inquiétante sur le front des infections au HIV. Leur nombre pourrait croître de 52% en 2011 par rapport à 2010 à cause de l’augmentation de la prostitution mais surtout de la hausse de la consommation de drogues. La moitié des infections serait en effet due à l’usage par les toxicomanes de seringues contaminées, alors que la consommation d’héroïne a elle-même grimpé de 20% entre 2007 et 2009. Pire, la revue révèle que des cas d’infections volontaires ont été rapportés. Des démunis auraient choisi de se piquer avec des seringues infectées, afin de toucher les 700 euros mensuels d’allocations dédiées aux malades séropositifs, et d’avoir un accès privilégié aux programmes de désintoxication.
Encore pire en 2011 ?
Dégringolades brutales dans l’échelle sociale, réduction du filet de protection sociale… Les ingrédients d’une augmentation du nombre de suicides sont réunis. Ils ont augmenté de 17% entre 2007 et 2009. Mais un rapport parlementaire indique une hausse de 25% sur la seule période 2009-2010. Pour les mêmes raisons, l’étude avance que le nombre d’homicides et de vols a doublé entre 2007 et 2009.
Les rares statistiques plus récentes montrent même que la situation s’est encore dégradée depuis l’accélération de la crise en 2010 et les nouvelles coupes budgétaires. Le ministère de la Santé grec dénonce une accélération de l’augmentation du nombre de suicides lors du premier trimestre 2011 : +40% par rapport à la même période en 2010. Des chiffres alarmants, qui inspirent aux auteurs une conclusion très grave : « Le tableau sanitaire en Grèce est inquiétant. Il nous rappelle que ce sont les citoyens qui payent les efforts de réduction de la dette. Il faudra porter plus d’attention à la santé publique et à l’accès aux soins dans le pays, pour s’assurer que la crise grecque ne sape pas la richesse fondamentale du pays, ses habitants. »
Méthode :
Plus de 26 489 personnes ont répondu aux enquêtes, en 2007 puis en 2009. Les auteurs s’appuient également sur les rapports d’instituts de recherche médicale et d’ONG.
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