José Le Piez a commencé à écouter les arbres du haut de leur cime. Elagueur à la ville de Paris, il écoutait les branches pour s’y déplacer : « On tend l’oreille en permanence pour entendre si la branche est pourrie ou non, si elle peut nous supporter. » Passionné par les arbres et la sculpture, il s’est logiquement mis à les tailler. Jusqu’au jour où son travail a pris une nouvelle dimension. « J’ai passé la main sur une sculpture et la sculpture s’est mise à chanter. » Pour comprendre ce phénomène, le mieux, c’est de commencer par l’écouter grâce par exemple à la vidéo ci-dessous :
Ni à corde ni à vent et dépourvu de caisse de résonance, cet instrument, joliment nommé l’Arbrasson, n’entre dans aucune catégorie traditionnelle. Pourtant il est probablement très ancien. « Je l’ai amené au musée du Quai Branly et les ethnomusicologues m’ont appris qu’un instrument similaire existe en Nouvelle-Irlande, une petite île de Papouasie. Il s’appelle le livika, c’est un instrument funéraire, il doit imiter la voix de l’âme des morts et sert à demander réparation pour une injustice dans la répartition des richesses. C’est une question très contemporaine, qui me parle beaucoup, ce qui donne d’autant plus envie de découvrir cet instrument », se réjouit le sculpteur.
Sculpture acoustique
L’artiste s’est depuis spécialisé dans la fabrication des Arbrassons qu’il installe et présente dans toute la France. « Je travaille de manière très rapide avec ma tronçonneuse, sans croquis ni préparation. Je fais des séries d’entailles dans des morceaux d’arbres morts et j’essaye de suivre la dynamique du bois. Chaque entaille va donner une note et le tout crée ensuite une ligne mélodique », explique-t-il.On l’a vu aux côtés de la star colombienne de la salsa Yuri Buenaventura (Voir la vidéo ci-dessous), ou encore accompagné de chanteurs et de violoncellistes.
Chaque fois, c’est la diversité des notes et de la puissances des Arbrassons qui surprennent. Elles dépendent du bois utilisé – « le cèdre va donner une attaque très douce », « l’érable a une puissance sonore très très forte » (Voir vidéo ici) – de l’humidité, ou encore… de la lune. « J’ai réalisé pour Francis Hallé (célèbre biologiste spécialiste des arbres, ndlr) une expérience, j’ai taillé dans un même arbre deux Arbrassons totalement identiques mais à deux moments différents, l’un en lune montante l’autre en lune descendante. On obtient une même ligne mélodique mais avec une différence d’un demi-ton, ce qui est énorme », détaille l’artiste.
Cette expérience acoustique semble confirmer les récentes découvertes du chercheur Ernst Zürcher, spécialiste de chronobiologie, qui a prouvé que le diamètre des troncs des arbres évolue au moment des marées et donc sous l’influence de la lune. Né par hasard, l’arbre-instrument nous révèle un peu plus du fonctionnement de la nature.
José Le Piez présentera ses Arbrassons aux Entretiens de Sologne à Chaumont-sur-Loire le vendredi 26 septembre
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