Deuxième épisode de notre série « Je vis à côté de ». Retrouvez bientôt « Je vis à côté d’une raffinerie » et réécoutez « Je vis à côté d’une ligne très haute tension ». |
A droite de la route qui mène chez Didier et Annick, le regard bute sur le pied d’une éolienne. Il suffit de lever la tête pour en apercevoir toute une rangée, qui tournent, le nez au vent, à 80 mètres de hauteur.
Le couple vit à leurs côtés, sans l’avoir choisi. En 2008, ils s’installent dans un ancien corps de ferme pour couler tranquillement leur retraite, à Saint-Servant-sur-Oust, dans le Morbihan. Ils rénovent tout de leurs propres mains. Alors qu’ils s’affairent à leurs travaux, ils découvrent l’existence d’un autre chantier un kilomètre plus loin. Six éoliennes sont en train de sortir de terre. Quatre ans plus tard, ils décrivent l’apparition des premiers symptômes :
Grève de la faim
Leurs voisines les éoliennes émettent un son persistant qui les accompagne désormais partout, soulignent les deux retraités. A tel point qu’en 2011, ils entament une grève de la faim, qui durera une semaine. « On était à bout, au bord de la dépression. Faire ça, ça n’a rien changé, on était seuls », précise Didier, qui n’en dira guère plus. Dans la mémoire de cet ancien chaudronnier, un brin bourru, l’épisode est resté douloureux.Pour tenter de trouver une solution, les Noury sollicitent l’opérateur Eole Génération, filiale de GDF-Suez. L’entreprise mène des tests acoustiques à deux reprises, mais le bruit persiste, précise Didier.
Les choses s’améliorent néanmoins puisque les moulins de vent sont désormais arrêtés la nuit. Fini d’entendre à travers la campagne endormie le ronronnement des pales. Ce changement est-il un aveu ? La reconnaissance que les éoliennes ont bel et bien un impact sur la santé et la qualité de vie des riverains ? Certains rapports publiés sur la question disent tout autre chose. « Les émissions sonores des éoliennes ne génèrent pas de conséquences sanitaires directes », conclut en 2008 le ministère du Développement durable. Un rapport canadien de 2009 abonde dans le même sens : « Les preuves scientifiques restent encore à établir. » A l’inverse, Nina Pierpont, une pédiatre américaine, développe en 2009 la notion de syndrome éolien, soit un état résultant d’un certain nombre de symptômes (privation de sommeil, étourdissements, nausées, maux de tête, acouphènes…) dans un livre controversé.
Le débat n’étant pas tranché, l’Académie de médecine française préconise certaines précautions, comme de respecter une distance de 1 500 mètres entre une grosse éolienne (plus de 1,5 mégawatt), et une habitation. La France a – en partie – intégré ces recommandations à sa législation. Le Grenelle 2 impose une distance de 500 mètres entre maison et éolienne mais aussi l’intégration des parcs éoliens aux schémas régionaux. Car les parcs vont se multiplier, comme le veut la politique du Grenelle. Aujourd’hui, il existe 650 parcs éoliens en France. Ils produisaient près de 7 gigawatt fin 2011. L’objectif est de produire 19 gigawatt, d’ici 2020.
Pas de déménagement en vue
La maison des Noury se situe déjà à 1 kilomètre du parc éolien. Pas suffisant pour Didier qui évoque la zone vallonnée autour de son logis. Ce jour-là pourtant, le vent est faible. Ce n’est qu’en tendant l’oreille que l’on distingue au loin, le bruit des pales qui tournent. Mais lorsqu’il est assez puissant, des bourrasques s’engouffrent dans le creux du terrain et filent vers la maison, assure-t-il.Didier a lu les rapports rassurants sur le sujet et n’en est pas sorti convaincu. Il y a un an, le couple a fini par déposer plainte contre l’exploitant. Ils réclament une étude qui analyserait le lien entre leurs symptômes et les éoliennes. Reste que pour améliorer leur qualité de vie à court terme, les Noury se disent impuissants. Ils n’envisagent pas pour autant de déménager. Il faut dire que toutes leurs économies ont été englouties dans l’achat et la rénovation du corps de ferme. Pis, avec l’arrivée des éoliennes, la maison a perdu de sa valeur. Ils ne peuvent pas partir, et même ne le veulent pas. « Partir, ce serait renoncer » , estime Didier.
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